Varsovie. À l’occasion du sommet destiné à “promouvoir la paix et la sécurité au Moyen-Orient” qui s’est déroulé à Varsovie le jeudi 14 février à l’initiative des États-Unis, (1) Mike Pompeo a rappelé que le projet Nord Stream 2 représentait un “risque majeur pour la sécurité européenne”, et que le gouvernement mettrait en oeuvre “tout ce qui est en son pouvoir” pour lutter contre ce projet. Ce gazoduc, qui relierait la Russie à l’Allemagne par la mer et permettrait l’acheminement de 55 milliards de mètres cube de gaz par an, doit entrer en service en 2020 (5).

Cette déclaration a eu lieu le lendemain de l’aboutissement de longues négociations à Bruxelles, où la Commission et le Parlement européen ont finalement trouvé un accord sur l’encadrement de ce projet, prévoyant notamment de garantir la transparence des prix du gaz et la séparation des activités de fournisseur de celles de gestionnaire d’infrastructure (2). Selon le communiqué du Conseil de l’UE du 8 février, “l’objectif global de la proposition de modification de la directive sur le gaz est de faire en sorte que les règles régissant le marché intérieur du gaz de l’UE s’appliquent aux lignes de transport de gaz entre un Etat membre et un pays tiers, jusqu’à la limite du territoire et des eaux territoriales de l’Etat membre.”

Nord Stream 2 divise en effet les États membres de l’Union européenne depuis plusieurs années, entre d’une part ses soutiens politiques et économiques, au nombre desquels l’Allemagne, et d’autre part ses détracteurs, comme la Commission européenne de Jean-Claude Juncker, les pays baltes et la Pologne, qui s’est associée à la déclaration de Mike Pompeo à Varsovie. Le ministre des Affaires étrangères polonais Jacek Czaputowicz a considéré le projet comme “préjudiciable” à la sécurité énergétique européenne, en ce qu’il augmenterait substantiellement la dépendance gazière de l’Union européenne vis à vis de son fournisseur historique, la Russie (6).

Les États-Unis, premier pays producteur de gaz au monde grâce à ses ressources non-conventionnelles (5), cherche à devenir un fournisseur de gaz de premier plan Europe, et se présente ainsi comme un outil de sa stratégie de diversification. La construction de terminaux GNL (gaz naturel liquéfié) permet le transport et la transformation de gaz acheminé par cargo, et permet donc un développement mondial de ce marché, libéré de l’unique option des gazoducs (6).

Le ministre de l’économie allemand Peter Altmaier a annoncé le 12 février que le gouvernement soutiendrait le financement de deux terminaux GNL, destinés notamment, si ce n’est principalement, à accueillir du gaz américain. Cette annonce a été saluée par Dan Brouillette, Secrétaire américain adjoint à l’énergie (7). Mais il est peu probable que cet engagement suffise à apaiser les Américains face à la perspective du renforcement des relations gazières entre l’Europe, a fortiori l’Allemagne, et la Russie permis par le gazoduc Nord Stream 2.

Perspectives

  • Les Etats-Unis menacent l’Allemagne de sanctions en cas de poursuite du projet en l’état
  • Le successeur de Jean-Claude Juncker saura-t-il maintenir un compromis entre les 28 Etats membres sur le projet ?
  • La mise en service du gazoduc Nord Stream 2 est prévue pour fin 2019 – début 2020

Sources :

  1. Varsovie versus Sotchi : valses diplomatiques autour de l’Iran et de la Syrie, AFP, 14 février 2019.
  2. BOURBON Jean-Claude, North Stream 2, le gazoduc qui divise les Européens et inquiète les Américains, La Croix, 14 février 2019.
  3. CHAZAN Guy, US welcomes Germany’s announcement of new gas terminals, Financial Times, 12 février 2019.
  4. Communiqué de presse, Conseil de l’UE, 8 février 2019.
  5. DUCOURTIEUX Cécile, WAKIM Nabil, Nord Stream 2 : un compromis franco-allemand plutôt favorable au gazoduc, Le Monde, 12 février 2019.
  6. Les États-Unis feront tout pour arrêter le projet Nord Stream 2, Euractiv, 13 février 2019.
  7. Index Mundi, Natural Gas production, 15 février 2019.

Clemence Pèlegrin