Pékin. La nouvelle directive du PCC concernant le travail politico-légal assoit de manière incontournable le rôle leader du Parti sur l’ensemble du travail des institutions légales. Elle fait partie d’un plan quinquennal spécifique lancé en février 2018 afin de construire l’institutionnalisation du Parti (2). Bien que la Chine se veuille État de droit – concept inscrit dans la Constitution – et que la professionnalisation des juges ait considérablement été améliorée (1), les rapports entre Parti et pouvoir judiciaire empêchent tout cadre juridique indépendant.

Cette nouvelle directive consomme la rupture avec toute idée d’indépendance de la justice en Chine et institutionnalise le leadership du PCC. Le concept de « sécurité politique » y est clairement mis en valeur – il est mentionné 9 fois dans le document – et il est ainsi exigé des comités de Parti de l’ensemble des institutions juridiques qu’ils considèrent la préservation de cette sécurité politique comme un objectif prioritaire (3). L’article 17 demande désormais que le Comité politico-légal central (CPLC) n’adresse plus seulement ses rapports aux instances centrales du Parti mais également au Secrétaire général, à savoir Xi Jinping actuellement. Il en est de même pour toutes les institutions légales à l’échelon central. Le CPLC a une fonction « d’agent organisationnel » chargé de mettre en œuvre la politique du Parti au sein de l’appareil judiciaire (1).

Si l’influence du Secrétaire général n’est ni nouvelle, ni étonnante, le fait de lui attribuer explicitement une prérogative de régulation propre au sein d’un document officiel est extrêmement rare. D’une manière générale, ce pouvoir individuel, que ce soit pour le Secrétaire général ou pour tout membre du Politburo ou du Comité permanent, est normalement publiquement évoqué derrière la bannière collective des instances centrales du Parti (dang zhongyang 党中央) (3).

Le CPLC avait par ailleurs été rétrogradé à l’issue du XVIIIe Congrès du PCC en novembre 2012 (4). Son secrétaire avait perdu à cette occasion son siège au Comité permanent du Bureau politique du Parti. La juriste Ling Li estime que l’on peut raisonnablement penser que Xi Jinping lui-même avait dès lors revendiqué un rôle de supervision directe dans ce domaine (3). La nouvelle directive confirmerait et renforcerait donc ce changement de dynamique de pouvoir.

Dans son ensemble, cette directive renforce le contrôle du PCC sur l’appareil judiciaire. L’importance de la justice dans le maintien de l’ordre social est cruciale, dans la mesure où un juge se doit de rendre une décision qui convienne a minima à l’opinion publique tout en n’interférant pas avec les intérêts du Parti.

Mais en parallèle, la nature-même du Parti et de son exercice du pouvoir, censé exercer un leadership collectif, est remise en question ici. Si le sommet du Parti assoit son leadership dans cette directive, il le fait explicitement à travers la personne de Xi Jinping. Un pouvoir qui, depuis 2013, est très personnel n’alimentera-t-il pas des oppositions déjà croissantes au sein même du Parti de par le paradoxe qu’il crée ? Plus largement, la cohérence du modèle de la RPC, « dictature démocratique populaire » – un concept qui est décrit dans la nouvelle directive comme principe fondateur du travail politico-légal – ne va-t-elle pas être de plus en plus questionnée intérieurement et extérieurement si cette voie est poursuivie ?

Perspectives :

  • Selon Ling Li, cette directive induit une poursuite, voir une accélération dans un futur proche de l’intégration des affaires politico-légales aux objectifs politiques du PCC.

Sources :

  1. BALME Stéphanie, Chine. Les visages de la justice ordinaire, Sciences Po Les Presses, 2016.
  2. DESHENG Cao, Party’s political, legal leadership highlighted, China Daily, 28 décembre 2018.
  3. LI Ling, Highlights of Chinese Communist Party’s directive regarding political-legal work, Université de Vienne, 20 janvier 2019.
  4. SUNG Wen-Ti, China’s new state security committee, The Diplomat, 25 novembre 2013.

Jessy Périé