Niamey. Le 7 février, le contenu de l’accord de coopération en matière de défense entre l’Italie et le Niger a été diffusé ; l’accord avait été signé le 26 septembre 2017 par la ministre italienne de la Défense de l’époque, Roberta Pinotti, et son homologue nigérien Kalla Moutari (1). Les bouleversements de la géopolitique régionale ont conduit nombreux acteurs mondiaux (Chine, France, Allemagne et États-Unis) à « courir après le Niger », mais elle a également favorisé une coopération étroite entre Rome et Niamey. La loi contre l’immigration illégale adoptée par le parlement nigérien en mars 2015 a été la première étape de ce processus. L’effondrement de l’État libyen a donc fait du Niger un acteur majeur dans la gestion des flux migratoires et des conflits dans la région. Mais l’accord est férocement critiqué, notamment à cause de l’importance qu’il donne au marché des armes (3).

L’accord Italie-Niger de septembre 2017 est l’étape la plus importante de l’engagement diplomatique italien dans le pays, commencé en 2016 avec l’ouverture de l’ambassade d’Italie à Niamey. Le texte se compose de 12 articles, dont beaucoup traitent des aspects bureaucratiques, en vue de projets de coopération au développement. Notons en particulier l’article 2, qui définit les acteurs principalement impliqués dans la coopération : parmi ceux-ci, les organes étatiques qui supervisent les missions de formation militaire et des délégués des deux gouvernements qui doivent effectuer des visites périodiques (1). Le point central de l’accord est l’article 6, qui définit les équipements militaires à offrir à l’armée nigériane : les forces armées de Niamey seront approvisionnées en armes légères, en haute technologie et en artillerie lourde. La coopération dans ce domaine se développe à travers des opérations de recherche scientifique et la stabilisation d’une partie de l’expertise au Niger.

Parmi les armes mentionnées, deux catégories ont attiré l’attention : les navires à usage militaire (article 6, paragraphe 1.a) et les mines (article 6, paragraphe 1.f). La première catégorie est pointée du doigt pour son manque de transparence, notamment en ce qui concerne les finalités et les destinataires réels de ces navires (le Niger n’a aucun débarquement en mer). La seconde est une question délicate, que l’Italie a réglementée par une loi spéciale de 1997 (3). La crainte, exprimée par de nombreux journaux et groupes de réflexion italiens, est qu’il y ait de graves violations de la législation italienne restrictive sur les exportations d’armes (réglementées par la loi 185/1990) (3).

Actuellement, l’Italie figure parmi les dix premiers exportateurs d’armes, le Royaume-Uni et le Qatar étant les principaux importateurs (données 2017) (4). L’industrie de guerre italienne est spécialisée dans l’artillerie lourde, principalement l’aéronautique blindée et militaire. La dynamique de production représentée par Leonardo et Fincantieri fait de Rome un partenaire commercial attractif dans le domaine de l’armement. Dans un contexte mondial où le Moyen-Orient est le centre des ventes d’armes, l’Afrique subsaharienne reste un marché à explorer. Sur le continent africain, le principal acheteur est l’Algérie, suivie du Kenya, tandis que le Niger est absent (2016-2017) (4). L’accord signé avec l’Italie peut sans doute représenter une opportunité d’accroître sa part du marché de l’armement, et donc sa projection géopolitique, mais une série de doutes subsistent quant à l’efficacité de cette démarche en termes de stabilisation, compte tenu des coûts élevés supportés par les pays du G5 Sahel pour leur défense. Le gouvernement actuel a l’intention de suivre la ligne promue par le gouvernement Gentiloni, qui vise à externaliser les frontières pour la gestion des migrants (2).

Perspectives :

  • L’Italie suit une ligne très similaire à celle des autres pays européens. La France a approuvé la vente d’armements, principalement des véhicules blindés et des chars, au Tchad. Paris joue également un rôle central dans la prévention de certaines crises. L’opération Barkhane au Mali et l’opération aérienne contre les forces rebelles au Tchad en sont des exemples.
  • Le Niger consacre près de 15 % de son Pib à l’armement. Cela s’explique à la fois par des demandes extérieures spécifiques avancés principalement par les principaux bailleurs de fonds du G5 Sahel, et par une dynamique interne, selon laquelle un pays pauvre à la souveraineté limitée investit dans la sécurité pour maintenir son monopole de l’usage légitime de la force.
  • Avec la loi contre l’immigration illégale de mars 2015, une économie informelle qui n’appartient pas à une organisation criminelle a été criminalisée au Niger. Le mécontentement et les poches de pauvreté créées par cette mesure risquent de rendre le Niger encore plus fragile. Raison de plus pour en tenir compte dans un avenir proche.

Sources :

  1. Accordo di cooperazione in materia di difesa tra il Governo della Repubblica Italiana ed il Governo della Repubblica del Niger, Africa Express, 10 février 2019.
  2. Disegno di legge : Ratifica ed esecuzione dell’Accordo di cooperazione di difesa tra il Governo della Repubblica Italiana ed il Governo della Repubblica del Niger, Chambre des députés italienne, 19 décembre 2018.
  3. LIVERANI Luca, Commercio d’armi. Svelato il trattato Italia-Niger : apre un nuovo mercato bellico, L’Avvenire, 7 février 2019.
  4. Relazione sulle operazioni autorizzate e svolte per il controllo dell’esportazione , importazione e transito del materiale di armamento- Volume 1, Sénat italien, 4 Avril 2018.

Alessandro Rosa