Londres. L’Union européenne a exclu de revenir sur la clause de sauvegarde ou backstop, censée éviter le rétablissement d’une frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, après que les députés britanniques se sont prononcés le 29 janvier en faveur d’un amendement réclamant une alternative à cette option.

Détourner la question du backstop, demander des prolongations, recourir à un second référendum : toutes ces options sont toujours sur la table. Inamovible sur la question du “filet de sécurité”, Michel Barnier a rappelé, avant le vote de mardi dernier, que la décision de reporter le Brexit devra être prise sur demande des Britanniques et approuvée par l’ensemble des 27. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, tout comme le président Emmanuel Macron, ont répété que l’accord négocié au mois de novembre est le “seul et le meilleur accord possible” et que le récent vote de Westminster avait peu de chance de changer la donne.

Si personne ne peut connaître à l’avance l’issue du Brexit, les dommages économiques sont – quant à eux – déjà prévisibles. Certains industries pharmaceutiques, comme Sanofi et Novartis, ont depuis cet été commencé à stocker des médicaments par peur d’un no deal et, ces derniers jours, de nombreuses entreprises des autres secteurs ont commencé à partager leurs inquiétudes.

Plus de 250 entreprises étrangères implantées au Royaume-Uni réfléchissent sérieusement à des transferts d’activité vers les Pays-Bas, comme l’a déclaré Michel Backhuizen, le porte-parole de la NFIA (Netherlands Foreign Investment Agency). Certaines firmes, comme Sony et Panasonic, l’ont déjà annoncé (6). Airbus, qui emploie 13 000 personnes au Royaume-Uni, récuse l’optimisme des Brexiters et envisage également des transferts en cas de no deal. L’Oréal se prépare à un Brexit dur, en stockant des cosmétiques au Royaume-Uni (5). Quelque 500 chaînes internationales de télévision, ayant actuellement leurs bureaux au Royaume-Uni, risquent de perdre leurs droits européens de diffusion, au point que la BBC parle d’installer son siège international à Bruxelles. Le premier ministre belge, Charles Michel, a rapporté une conversation qu’il a eue à ce sujet au forum de Davos avec le Directeur général de la BBC, Tony Hall (1). Le producteur automobile Ford estime à 800 millions de dollars le coût d’un no deal pour l’année 2019.

Côté français, le gouvernement s’organise : un plan de 50 millions d’euros d’investissements français supplémentaires dans les ports et les aéroports est déjà en préparation afin de prévenir un no deal. Selon la Chambre de commerce franco-britannique, les échanges entre les deux pays s’élèvent à 95 milliards d’euros chaque année. Selon son vice-président, Olivier Campenon, les grandes entreprises françaises ont déjà eu le temps de se préparer aux répercussions d’un hard Brexit tandis que les PME auraient plus de difficultés (4).

Si l’accord financier de 39 milliards de livres négocié avec Bruxelles n’est finalement pas ratifié, la Grande-Bretagne n’a de toute manière pas intérêt à oublier sa parole. Car son pouvoir contractuel en vue de sa future coopération avec l’Union européenne pourrait en sortir diminuée (2).

Perspectives :

  • Un nouveau vote sur l’accord de retrait est attendu à Westminster le 13 février.

Sources :

  1. COLLOMP Florentin, Quand la BBC songe à s’installer à Bruxelles, Le Figaro, 25 janvier 2019.
  2. House of Commons, Withdrawal Agreement : The financial settlement, 5 décembre 2018.
  3. LEYMARIE Jean, Brexit : La Chambre de commerce franco-britannique se prépare à « un black-out pendant un certain temps« , France Info, 15 janvier 2019.
  4. L’Oreal hoards cosmetics in Britain as Brexit looms, Reuters, 25 janvier 2019.
  5. WRIGHT Oliver, ELLIOTT Francis, Sony moves HQ from Britain amid no‑deal Brexit fears, The Times, 23 janvier 2019.

Vera Marchand