Bruxelles. Le but principal de la proposition de directive est de promouvoir l’égalité hommes-femmes. Il s’agit plus précisément d’inciter les hommes à prendre des congés parentaux et de paternité, ce qu’ils ont été peu enclins à faire jusqu’à présent. S’agissant du congé parental, celui-ci est plus faiblement ou pas du tout rémunéré et constitue un frein pour la carrière professionnelle des personnes qui le prennent – en grande majorité des femmes (1).

Pour lutter contre les inégalités hommes-femmes, des minima sont donc prévus par la proposition de directive : les pères pourront bénéficier d’un congé de paternité d’au moins 10 jours, en étant payés au même niveau que celui fixé au niveau européen pour le congé de maternité ; il existera un droit individuel à quatre mois de congé parental ; sur ces quatre mois, deux ne seront pas transférables à l’autre parent et seront payés ; le niveau de rémunération pour le congé parental sera fixé par les Etats membres (3). Comme autre incitation pour les pères à assumer leurs responsabilités familiales, le projet de directive prévoit le congé de proche aidant (2).

L’accord a été vivement salué par le Ministre du travail et de la justice sociale roumain, Marius-Constandin Budai, qui détient pour ce semestre la présidence du Conseil : « [Il] constitue un véritable levier pour la promotion de l’égalité hommes-femmes dans toute l’Union Européenne (EU). Cette directive favorisera la participation des femmes au marché du travail et l’égale répartition des charges familiales entre les femmes et les hommes. Elle permettra aussi de réduire les disparités salariales entre les sexes. » Ces propos laudatifs ne doivent pas faire oublier que des concessions ont dû être faites, puisque certains Etats membres, parmi lesquels la France et l’Allemagne, avaient manifesté leur désaccord concernant des mesures plus ambitieuses proposées par la Commission européenne. En effet, la proposition de directive faite par la Commission européenne prévoyait au départ que les quatre mois de congé parental ne seraient pas du tout transférables à l’autre parent et qu’ils seraient rémunérés à hauteur des indemnités maladie des États membres (4). Le président de la République française, Emmanuel Macron, avait jugé que c’était « une belle idée qui [pouvait] coûter très cher et finir par être insoutenable ».

La position du Conseil européen, qui constitue la base des négociations avec le Parlement européen, a donc élagué certaines mesures proposées par la Commission européenne. L’harmonisation sociale est déjà peu évidente, du fait de la compétence limitée de l’Union, mais le manque de volonté politique de la part de certains États membres la rend encore moins aisée. Si les États membres approuvent la proposition de directive, cela pourrait se traduire par une implication plus importante du père dans la vie familiale. Pour autant, le congé parental en tant que tel n’est pas fortement revalorisé, puisque les Etats-membres fixent eux-mêmes le niveau de rémunération pour le congé parental. Ainsi, en France, le congé parental n’est pas rémunéré. Si l’Allemagne est souvent pointée du doigt pour son manque de structures pour les enfants en bas âge, elle fait figure de bonne élève en ce qui concerne le congé parental : les parents se voient verser les deux tiers du salaire, avec un plafonnement à 1800 euros. Or le montant de la rémunération du congé parental influence fortement les hommes et les femmes dans leur décision de prendre ce congé : d’après l’OCDE, 32 % des hommes prennent un congé parental, contre 4 % en France (5).

La proposition de directive doit être replacée dans le contexte de la lente harmonisation sociale de l’Union. En effet, la compétence de l’UE en matière sociale est limitée, ce qui conduit à une harmonisation parcellaire. Ainsi, l’article 153 alinéa 1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) énonce que le bloc soutient l’action des États membres dans certains domaines, tels que les conditions de travail, la lutte contre l’exclusion sociale et l’égalité entre femmes et hommes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail. Il résulte donc de cet article que l’UE n’a qu’une compétence subsidiaire. L’article 153 alinéas 5 exclut entre autres les rémunérations du champ de compétence de l’UE, alors qu’il s’agit d’une question particulièrement importante en matière d’égalité hommes-femmes. La proposition de directive illustre finalement l’étendue et les limites de l’action sociale de l’UE, conditionnée par sa compétence et par la volonté politique aléatoire des États membres, qui participent aussi à l’élaboration des directives.

À l’approche des élections européennes et alors que le vœu d’une Europe sociale se fait plus pressant, il est nécessaire de rappeler que la compétence limitée de l’UE en matière sociale résulte de la volonté des États membres, qui ont participé à l’élaboration du TFUE ; ainsi, si certaines mesures, n’apparaissent pas suffisamment ambitieuses, cela doit parfois être imputé aux États membres. Pour qu’une Europe sociale voie véritablement le jour, il faudra que le TFUE soit modifié ou à tout le moins que les États membres se montrent coopératifs, lorsqu’une mesure sociale relevant du champ de compétence de l’UE est envisagée par la Commission.

Perspectives :

  • Le projet de directive, s’il est approuvé par les États membres, pourrait conduire à une répartition plus égale des charges familiales entre les hommes et les femmes.
  • Le projet de directive n’est pas aussi ambitieux que l’avait souhaité la Commission, certains États membres ayant émis des objections.
  • Le projet de directive illustre l’étendue et les limites de l’action de l’UE en matière sociale.

Sources :

  1. Conseil européen, Better work-life balance for EU citizens : Presidency reaches provisional agreement with the European Parliament, 24/01/2019.
  2. Conseil européen, Position du Conseil européen, 25/06/2018, p. 8.
  3. Conseil européen, Position du Conseil européen, 25/06/2018, p. 16.
  4. Conseil européen, Proposition de la Commission européenne, 28/04/2017, p. 12.
  5. OCDE, Les pères pour l’égalité des sexes, 08/03/2016.

Ingrid Kis