Aix-la-Chapelle. « Nous venons de deux mondes très différents », a reconnu Angela Merkel à propos des approches française et allemande de la transition énergétique lors d’un débat à Aix-la-Chapelle, à l’occasion de la rencontre franco-allemande de la semaine passée (1). En effet, sur le sort du nucléaire comme sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les paysages énergétiques d’une part et d’autre du Rhin sont si différents que promouvoir une vision et des actions communes peut s’avérer un exercice périlleux.

Bien que l’article 18 du Traité affirme que « les deux États s’emploient à renforcer le processus de mise en oeuvre des instruments multilatéraux relatifs au développement durable, (…) en particulier l’Accord de Paris », et s’efforcent de « formuler des approches et des politiques communes », les deux chefs d’État ont fait état de priorités différentes. Emmanuel Macron a rappelé que la France souhaitait avant tout accélérer la fermeture des centrales à charbon (1), dans un souci de réduction des émissions de CO2 et dans un contexte de mix énergétique déjà faiblement carboné en raison du parc nucléaire permettant de produire 71 % de son électricité en 2017 selon RTE.

Par contraste, Angela Merkel a rappelé le choix politique de sortie rapide du nucléaire opéré au lendemain de la catastrophe de Fukushima, au détriment à court terme d’une réduction substantielle du parc charbonnier allemand. À noter qu’en 2018, les émissions de gaz à effet de serre allemandes ont diminué de 0,5 % par rapport à 2017, en raison à la fois d’une hausse de la production d’origine renouvelable, en particulier éolienne, et de températures modérées dans les 9 premiers mois de 2018, selon S&P Global (6).

La France et l’Allemagne se sont néanmoins engagés à élaborer des projets conjoints dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. De nombreuses ONG françaises et allemandes ont cependant déploré l’absence de vision et de politiques concrètes, comme la mise en place d’appels d’offre transfrontaliers pour les énergies renouvelables, alors qu’existent déjà plusieurs structures binationales dédiées à la transition énergétique, à l’instar de l’Office franco-allemand pour les énergies renouvelables (OFATE).

Dans une interview à La Croix, Antoine Chapon, directeur adjoint de l’OFATE, a reconnu la difficulté de mise en oeuvre de projets conjoints, comme celui initié par Peter Altmaier, ministre de l’Économie allemand et Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, sur le sujet du stockage d’énergie et d’électricité (3). À ce titre, Nicolas Hulot avait d’ailleurs affirmé que le gouvernement allemand serait consulté lors de la préparation de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2023, en justifiant : “Nous avons des mix énergétiques qui sont très différents, mais dans la prochaine décennie, ceux-ci vont se rapprocher en matière de nucléaire, de fermeture des centrales à charbon et en matière de développement des énergies renouvelables” (4).

La difficulté de coordination soulevée par Antoine Chapon avait déjà été exprimée par une étude du Comité d’études des relations franco-allemandes (CERFA) et publiée par l’Institut français des relations internationales (IFRI) en 2015. Selon cette étude, outre les travaux d’information et de communication sur les politiques sectorielles respectives des deux États, la mise en application concrète de projets industriels et technologiques demeurait insuffisante au regard des objectifs européens.

Perspectives :

  • La publication de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), repoussant la réduction à 50 % de la part du nucléaire à 2035, contre 2025 comme établi par la Loi relative à la transition écologique et à la croissance verte (LTECV) de 2015.
  • La possible montée en compétence de l’OFATE, suite au Traité d’Aix-la-Chapelle.

Sources :

  1. Merkel/Macron : une volonté de rapprochement mais des divergences aussi, notamment sur l’énergie, Connaissance des énergies, 22 janvier 2019.
  2. DIECHTL Franca, FISCHER Severin, Sous de nouveaux auspices : processus de transition et modèles de coopération au sein des relations énergétiques franco-allemandes, Institut Français des Relations Internationales, Comité d’études des relations franco-allemandes (CERFA), juin 2015.
  3. Les relations franco-allemandes, un lien concret, La Croix, 21 janvier 2019.
  4. Transition énergétique : la France et l’Allemagne veulent mieux se coordonner, Le Figaro, 12 juillet 2018.
  5. Traité entre la République française et la République fédérale d’Allemagne sur la coopération et l’intégration franco-allemandes, 22 janvier 2019.
  6. WATSON Frank, Germany’s greenhouse gas emissions down 0.5 % in 2017 : UBA, S&P Global, 21 janvier 2019.

Clémence Pèlegrin