Caracas. Le 10 janvier 2019, Nicolas Maduro a prêté serment pour un deuxième mandat (2019-2025) vivement critiqué sur la scène internationale. En effet, cette nouvelle prise de fonctions en tant que président est le résultat de sa victoire aux élections qui ont eu lieu en mai 2018 et que l’opposition a décidé de boycotter, les considérant illégitimes ; Maduro avait décidé de son propre chef d’avancer la date des élections qui, dès lors, n’ont pas pu avoir de supervision internationale. Les résultats n’ont donc pas toujours été reconnus, et ont fait l’objet de nombreuses critiques, aussi bien de la part de la communauté internationale que de celle de l’opposition vénézuélienne. Nicolas Maduro n’a pas prêté serment devant l’Assemblée nationale comme la Constitution le prévoit, mais devant la Cour suprême de justice.
C’est donc le chef de l’Assemblée et membre du parti Volonté populaire (VP), Juan Guaidó, qui s’est autoproclamé « président en exercice » à Caracas, le 23 janvier. Le choix de la date n’est pas anodin : le 23 janvier 1958 prenait fin la dictature de Marcos Perez Jiménez au Venezuela, laissant place à la démocratie. Avant de s’exprimer devant des milliers de Vénézuéliens sortis dans les rues de la capitale pour protester contre la politique de Maduro, Guaidó s’est assuré, d’une part, le soutien d’une importante partie de la communauté internationale, et d’autre part, celui d’une importante partie du peuple vénézuélien (4). Comme le prévoit l’article 233 de la Constitution, ont été organisées dans le pays des « cabildos abiertos », des réunions publiques, où les élus de l’opposition ont rencontré les Vénézuéliens pour qu’ils refusent de reconnaître Maduro comme président et pour que Guaidó puisse assumer temporairement la fonction présidentielle. Selon la Constitution, le nouveau chef de l’État a trente jours pour organiser des élections libres et démocratiques.
Maduro a condamné ce qu’il dit être un « coup d’État » commandité par les États-Unis. La Cour suprême vénézuélienne, la plus haute juridiction du pays, composée de fidèles au régime, a ordonné une enquête pénale contre les membres du Parlement, en les accusant d’usurper les prérogatives du président. Le ministre de la Défense, Vladimir Padrino, a affirmé sur Twitter que l’armée rejette aussi l’autoproclamation de Guaidó. Sur la scène internationale, Cuba, la Bolivie, le Salvador et le Nicaragua soutiennent Maduro, tout comme la Chine, la Turquie et la Russie. Le Mexique, proche à Maduro, a déclaré maintenir sa position de non-ingérence.
Au contraire, presque immédiatement après la déclaration de Guaidó, Trump l’a reconnu comme « président par intérim du Venezuela » (2). Les membres du Groupe de Lima créé en 2017 pour penser une sortie de crise pour le Venezuela en ont fait de même : le Brésil, le Canada, la Colombie, le Chili, l’Argentine, le Costa Rica, le Guatemala, le Panama, le Honduras, le Pérou, l’Equateur et le Paraguay soutiennent ainsi Guaidó (3). À l’image de l’Allemagne, l’Union européenne juge Maduro illégitime sans encore reconnaître Guaidó ; le 26 janvier, la France et l’Espagne ont affirmé que sans de nouvelles élections annoncées sous huit jours, Guaidó sera considéré comme “président en charge” du Venezuela.
Ces événements s’inscrivent dans un contexte difficile : opposants et partisans à Maduro manifestent en masse dans tout le pays. Treize personnes ont été tuées en deux jours. Le 21 janvier, 27 militaires, retranchés dans une caserne à Caracas, ont appelé à l’insurrection avant d’être arrêtés. La crise politique vient s’ajouter à la crise humanitaire : 2000 personnes quittent le pays chaque jour depuis trois ans. Le pays a déjà perdu 10 % de sa population depuis le début de la crise.
Perspectives :
- Si, officiellement, Padrino, ministre de la défense du Venezuela, a annoncé que l’armée ne reconnaît pas Juan Guaidó et continue à soutenir Maduro, il est difficile de statuer sur ce que veulent les militaires. Dans les faits, la position du ministre n’est pas aussi nette, dans la mesure où, le 21 janvier, un groupe de militaires a tenté une insurrection. Le positionnement de l’armée sera sans doute décisif dans cette crise.
- Il est possible que les hommes politiques vénézuéliens soient en train de proposer de discuter en interne une sortie « honorable » de Maduro. Bien que sa démission paraisse actuellement très peu probable, la voie du dialogue, très minoritaire sur le continent américain (seuls l’Uruguay et le Mexique la proposent), pourrait être renforcée par une participation plus active de l’Union (1). Les pays européens sont plus modérés et pourraient donc contrebalancer les attitudes plus offensives des États-Unis et du Brésil.
- Un équilibre des forces en présence peut se mettre en place et pourrait tenir jusqu’à l’organisation de nouvelles élections libres et démocratiques, comme le prévoit dans ce cas la Constitution. Encore faut-il, tout d’abord, qu’elles puissent avoir lieu, et ensuite, que le résultat à l’issu de ce processus soit reconnu, par tous les acteurs concernés.
Sources :
- DE MIGUEL Bernardo, La UE gira hacia el reconocimiento de la presidencia de Guaidó en Venezuela, El Pais, 25 janvier 2019.
- México se muestra dispuesto a mediar en la crisis venezolana si las partes lo solicitasen, El Mundo, 25 janvier 2019.
- Venezuela : qui soutient Juan Guaido ? qui soutient Nicolas Maduro ?, Le Monde, 25 janvier 2019.
- MANETTO Francesco, Guaidó llama a la movilización permanente y busca el apoyo militar, El Pais, 25 janvier 2019.
Florent Zemmouche