Mogadiscio. La Somalie est de nouveau au centre de l’attention internationale. L’expulsion de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Somalie, Nicholas Haysom (1), et l’attaque contre l’hôtel Dusit D2 à Nairobi, revendiqué par Al-Shabaab, posent plusieurs questions : comment les organisations internationales peuvent-elles agir en Somalie pour la stabilité effective du gouvernement à Mogadishu ? Quel est l’avenir d’Al-Shabaab ? Ces deux sujets doivent également être mis en relation avec l’avenir de la mission AMISOM, mission de maintien de la paix de l’Union africaine (UA) qui vient de publier son premier plan de retrait, prévu à partir du 28 février 2019. Son contingent le plus impliqué est le contingent burundais.

La mission AMISOM repose sur trois piliers logistiques principaux : une capacité militaire basée sur les pays de l’UA, un soutien sécuritaire des États-Unis et un soutien financier de l’Union européenne. Le contingent burundais étant le plus impliqué dans la mission (3), cette contribution burundaise a toujours été au cœur de la politique étrangère de Bujumbura, en tant que voie de légitimité internationale. Le paquet de sanctions renouvelé par Bruxelles jusqu’en octobre 2019 contre le régime de Nkurunziza vise donc à attaquer le Burundi, en proie à la violence politique depuis mars 2015, dans un de ses intérêts stratégiques (4).

Les effets de cette décision ne se feront sentir que sur le long terme et sont étroitement liés au projet de retrait de la mission du territoire somalien. L’UA a publié la première feuille de route pour le retrait du contingent multilatéral : les troupes burundaises, composées de 5400 hommes, seront fortement démobilisées. La demande spécifique est de se retirer du secteur 5 dans la zone orientale de Mogadishu, comprenant environ 1000 hommes (3). Cette demande a été faite dès décembre 2018 et reprise en janvier 2019. Elle sera discutée lors du sommet de l’organisation à Addis Abeba en février. Les raisons : la détérioration du respect des droits de l’homme au Burundi et l’impossibilité de soutenir financièrement le contingent de Bujumbura dans une zone périphérique sur le plan opérationnel (3).

Le régime de Bujumbura, par l’intermédiaire du ministre de la Défense, a vigoureusement protesté, qualifiant la solution de “disproportionnée” (3). Nkurunziza est certainement préoccupé des conséquences internes du rapatriement d’une partie des forces armées nationales.

La Somalie n’a certainement pas besoin d’une autre cause d’affrontement. Conformément au plan contenu dans les résolutions 2408 et 2431 de 2018 de l’ONU, la mission AMISOM,, a prévu de rester opérationnelle jusqu’en mai 2019, date de fin de son mandat. Un rapport de décembre 2018 souligne que le gouvernement fédéral somalien n’a pas demandé de changements substantiels concernant le soutien apporté par le Bureau d’appui des Nations Unies en Somalie (UNSOS) sur le front des opérations conjointes avec la mission de l’UA.

Cela peut susciter des inquiétudes, notamment en ce qui concerne le retard pris dans le processus de transition. Le processus de formation de compétences militaires prend du retard dans de nombreuses directions : son aspect le plus difficile semble le déminage, géré par l’ONU, qui est encore loin de couvrir la totalité du territoire (5). L’impression est que plus l’échéance s’approche, plus les problèmes de sécurité semblent se multiplier pour la stabilité territoriale de la Somalie. Avec le retrait forcé du Burundi, des pays comme l’Éthiopie (dont la mission ne relève pas de l’UA) et le Kenya seront libre d’imposer leur ordre du jour, avec une série d’intérêts géopolitiques divergents en jeu. Nairobi et Addis-Abeba n’ont jamais ouvertement soutenu le centralisme de Mogadishu. Les derniers événements liés à Al-Shabaab pourraient cependant contraindre les deux acteurs à placer leur sécurité nationale au premier plan et empêcher les États-Unis, qui ont mené le 21 janvier une frappe aérienne contre des bases du groupe islamiste, de prendre le dessus (2).

Perspectives :

  • L’un des sujets de débat reste l’avenir de la délégation de l’ONU. Avec l’expulsion de Nicholas Haysom, il est impossible prononcer sur les capacités du nouvel envoyé spécial des Nations unies pour la Somalie. Surtout, il sera important de comprendre le soutien sur lequel cette figure pourra compter à l’avenir.
  • D’ici la fin de l’année, profitant de la pacification de l’Érythrée et de l’Éthiopie, la Somalie pourrait être au centre d’un sommet visant à établir une table de négociation et à entamer un processus clair de renforcement institutionnel. Le sommet de l’UA de février devrait déjà donner une idée du moment auquel se tiendra cette conférence.
  • D’ici la fin de l’année, profitant de la pacification de l’Érythrée et de l’Éthiopie, la Somalie pourrait être au centre d’un sommet visant à établir une table de négociation et entamer un processus clair de renforcement institutionnel. Le sommet de l’UA de février devrait déjà donner une idée du moment auquel se tiendra cette conférence.
  • Pour Bujumbura l’année 2019 sera cruciale. En rapatriant une partie de ses troupes de Somalie, Pierre Nkurunziza pourrait voir l’opposition interne à son parti se renforcer. Cela pourrait également conduire à une situation de violence politique plus intense, y compris sur une base ethnique. En effet, certaines factions de son parti, le CNDD-FDD, ont déjà avancé l’idée d’un changement au sommet.

Sources :

  1. BEARAK Max, Somalia expels top U.N. official after he criticizes crackdown on dissent, The Washington Post, 2 janvier 2019.
  2. BURKE Jason, Somalia : dozens of Al-Shabaab fighters killed in airstrike, says US, The Guardian, 20 janvier 2019.
  3. The draw-down of 1000 Burundi’s AMISOM troops mantained despite Burundi’s opposition, RegionWeek, 22 janvier 2019.
  4. ROSA Alessandro, L’avenir du mantien de la paix burundais en Somalie, La Lettre du Lundi, 11 novembre 2018.
  5. UN Security Council, Report of the Secretary-General on Somalia, 21 décembre 2018.

Alessandro Rosa