Khartoum. Le 24 janvier, une nouvelle série de pourparlers a débuté dans la capitale soudanaise entre le gouvernement de Bangui et les milices en guerre de la République centrafricaine (5). En République centrafricaine, pays ébranlée par la guerre depuis 2012, la violence est de plus en plus répandue et les groupes paramilitaires prolifèrent. Cette nouvelle série de pourparlers pourrait cependant conduire à une plus grande légitimité internationale pour le gouvernement de Faustin-Archange Toudéra. Les diplomaties régionales, alarmées par l’évolution du conflit, travaillent à la stabilisation et au respect du régime de l’embargo sur les armes, qui n’a jamais été pleinement appliqué (1).

La République centrafricaine, qui a toujours connu l’autoritarisme et les changements de pouvoir par des coups d’État (le plus important étant celui de Jean-Bédel Bokassa en 1966), a toujours été fortement dépendante de l’aide étrangère. L’élection d’Ange Félix Patassé à la présidence en 1993 avait créé des espoirs et des illusions, brisés par le coup d’État de 2003 de François Bozizé et celui de Michel Djotodia en 2013. L’affrontement entre Anti-Balaka et Seleka qui a débuté à cette occasion, répresenté par les médias occidentaux comme un affrontement entre chrétiens et musulmans, est en fait une guerre entre les milices qui soutiennent les deux leaders. La communauté internationale a préféré intervenir par l’intermédiaire de l’ONU, qui a déployé la mission de maintien de la paix Minusca en avril 2014, tandis que, parmi les acteurs régionaux, seulement la Communauté économique de l’Afrique centrale (Eccas) a joué un rôle actif de médiation. Deux grands pourparlers de paix ont eu lieu à Brazzaville en 2014 et à Libreville en 2017, mais ils n’ont fait que cristalliser les fronts de guerre (2). Il est encore difficile de dire si le sommet de Khartoum débloquera la situation, compte tenu de la violence de plus en plus généralisée et étendue bien au-delà des divisions traditionnelles entre les différents groupes en lutte (1).

Les pourparlers qui se déroulent dans la capitale soudanaise sont importants pour deux raisons : la première concerne le rôle central joué par l’Union africaine dans le processus de médiation, la seconde est liée à la légitimité internationale de Faustin-Archange Touadéra (2). Le président a été massivement soutenu par la communauté internationale et a reçu des aides au développement de la part de plusieurs pays, notamment la Russie, qui voit à Bangui une porte d’accès au continent africain. Les relations entre Bangui et Moscou ont été observées avec appréhension à cause de l’envoi d’instructeurs militaires et de mercenaires russes en soutien des forces armées centrafricaines (3).

Ainsi, le régime de sanctions sur la vente d’armes à Bangui, soutenu par l’ONU et l’UE, sera au centre des discussions dans les négociations. Actuellement, la situation sécuritaire en République centrafricaine est très inégale : dans les régions partiellement pacifiées, près de 240 000 personnes sont rentrées depuis le début du conflit, tandis que 63 % de la population dépend encore de l’assistance humanitaire internationale (4). Depuis l’élection de Touadéra en 2016, il y eut de nombreuse tentatives de désarmement et de paix. Dans de nombreux cas, en particulier près de la capitale, ces projets s’accompagnent de projets d’intégration des anciens miliciens dans le monde du travail. Cependant, pour que ces tentatives puissent aspirer à une certaine efficacité dans le contexte des sanctions internationales, de nombreux analystes soulignent la nécessité de repenser les voies officielles d’exportation des armes, qui sont aussi massivement utilisées par les groupes armés. Le principal problème concerne surtout l’utilisation des armes légères, dites Salw (Small Arms Light Weapons), dont l’utilisation aurait augmenté du fait de leur diffusion sur d’autres théâtres de guerre voisins, comme le Sud-Soudan (1). Pour répondre à cette situation, l’Onu a prorogé le mandat de la mission Minusca, sans pourtant définir des véritables sanctions contre ceux qui ne respectent pas l’embargo (1).

Perspectives :

  • Un autre point de discussion à Khartoum concerne l’amnistie de certains miliciens et représentants éminents de la politique centrafricaine.
  • Sur les armements, la France et la Russie sont les principaux suspects, mais on ne peut pas exclure l’implication d’armes d’origine israélienne provenant des pays limitrophes de la République centrafricaine, comme dans le bassin du lac Tchad et au Sud Soudan.
  • Le site du sommet de Khartoum, mérite une attention particulière. En effet, le Soudan redéfinit sa diplomatie à l’égard du monde occidental et de l’Union africaine. Cette tentative de médiation, également encouragée par Omar Al-Bashir, esquisse une nouvelle géopolitique soudanaise vis-à-vis des théâtres de guerre en Afrique subsaharienne.

Fonti :

  1. ADOM Léon Houadja Kacou, Letter dated 17th December 2018 from the Chair of the Security Council Committee established pursuant to resolution 2127 (2013) concerning Central African Republic adressed to the President of the Security Council, UN Security Council, 31cember 2018.
  2. KELLY Fergus, African Union and the UN relaunch Central African Republic peace talks, The Defense Post, 8 janvier 2019.
  3. ROSA Alessandro, L’aube d’une nouvelle politique russe en Afrique, La Lettre du Lundi, 21 octobre 2018.
  4. SIXTUS Mbom, Q&A : Why new peace talks on CAR really matter, IRIN News, 22 janvier 2019.
  5. Sudan to host new round of talks for peace in Central African Republic, Sudan Tribune, 16 janvier 2019.

Alessandro Rosa