Londres. Entre 2000 et 2016, le Royaume-Uni fut la première terre d’investissements chinois de l’Union européenne (UE) – 23,6 milliards d’euros, soit 23 % des investissements de Pékin dans l’UE sur cette période (3). La montée en puissance de la Chine au début du XXIe siècle a eu pour conséquence de mettre de côté l’Histoire mouvementée entre l’île et le géant, au profit des intérêts économiques. Place financière de premier ordre où plusieurs grandes banques chinoises avaient ouvert une succursale, porte d’entrée vers l’UE, les atouts qui faisaient du Royaume-Uni un élément-clé de la politique européenne de la Chine se retrouvent aujourd’hui fragilisés par l’approche du Brexit et la perspective d’un no deal.

En août dernier, le Secrétaire d’État britannique au Commerce international Liam Fox et le Ministre du Commerce chinois Zhong Shan avaient publié un communiqué commun évoquant la perspective d’un accord de libre échange « de premier ordre » qui suivrait le départ définitif du Royaume-Uni (2).

Cependant, si la Chine redouble de prudence au vu des rebondissements et de l’issue incertaine du Brexit, le Royaume-Uni peine à adopter une politique cohérente à l’égard de Pékin. Les investissements chinois prêtent à débat, particulièrement dans la mesure où ils concernent majoritairement les infrastructures et le secteur énergétique (3). L’aspect stratégique de cette présence soulève des inquiétudes quant à la sécurité nationale. En effet, les entreprises chinoises étant fortement soumises au contrôle de l’État, leur présence économique revêt également un aspect politique (1). Cette méfiance au sein des sphères gouvernementales face aux intérêts du monde des affaires – bien plus pragmatiques à développer un lien étroit avec Pékin – rend la politique chinoise de Londres assez hésitante, même si Theresa May se montre désormais désireuse d’approfondir ces relations.

Pour couronner le tout, la réaction des États-Unis en cas de rapprochement substantiel entre le Royaume-Uni et la Chine est également prise en compte (4). Plus le Brexit approche, plus le rapport de force est au désavantage de Londres, que ce soit vis-à-vis de Pékin qui pourra renégocier les partenariats en sa faveur ou de Washington.

Perspectives :

  • Mars 2019 : le processus de sortie du Royaume-Uni de l’UE doit s’achever.
  • 2026 : la centrale de Hinkley Point devrait fournir 7 % de l’électricité au Royaume-Uni, grâce au projet d’extension financé aux deux tiers par EDF et à un tiers par la China Nuclear Power Corporation. Malgré les polémiques et la méfiance envers cet investissement chinois considérable, le gouvernement britannique avait finalement donné son aval en 2016.

Sources :

  1. ALEXEEVA Olga V., La Chine peut-elle être la bouée de sauvetage économique d’un Royaume-Uni sorti d’Europe ?, Diplomatie, n°96, janvier-février 2019, p 68-71.
  2. BLANCHARD Ben, China says agrees with Britain to discuss “top notch” free trade deal, Reuters UK, 25 août 2018.
  3. GRAY Julian, Existe-t-il encore un “âge d’or” entre la Chine et le Royaume-Uni ?, La Lettre du Lundi, 28 octobre 2018.
  4. MITCHEL Tom, CHAZAN Guy et WEINLAND Don, Chinese investment in the Eu dwarfs flow the other way, The Financial Times, 10 janvier 2017.

Jessy Périé