Stockholm. C’est la fin d’un feuilleton qui aura duré presque cinq mois. Le vendredi 18 janvier, le premier ministre sortant Stefan Löfven a été reconduit à son poste avec une coalition regroupant les sociaux-démocrates et les verts par 115 voix pour le oui, 153 pour le non, 77 abstentions. La crise semblait se dénouer depuis le vendredi 11 janvier, et la signature d’un accord entre les partis du gouvernement suédois sortant, les sociaux-démocrates et les Verts, avec le Centre et les Libéraux pour constituer une coalition minoritaire à la chambre capable de gouverner. Un véritable soulagement pour le président du Parlement, Andreas Norlén. Le 10 janvier, ce dernier recevait encore de l’Autorité suédoise le droit de poursuivre les pourparlers auprès des coalitions pour former un gouvernement. Dans le même temps, l’Autorité prévoyait une nouvelle date pour les élections générales, le 7 avril (4). Il faut dire que depuis le mois de septembre, le président de la chambre a proposé aux deux dirigeants des principales coalitions, Ulf Kristersson pour l’alliance de centre-droite et Stefan Löfven, de former un gouvernement. Toutes ces tentatives se sont révélées infructueuses, les deux coalitions ne parvenant pas à obtenir la majorité sur les 349 sièges que compte le Riksdag, chaque tentative de former un gouvernement achoppant sur un vote de défiance. Jusqu’à la signature de l’accord en ce début de semaine.

La cheville ouvrière de ce rattachement du parti du Centre à la nouvelle coalition n’est autre que la dirigeante du parti, Annie Lööf. Si elle a été pressentie au début du mois de janvier pour devenir la première femme première ministre du pays (1), Annie Lööf est devenue depuis ce lundi la faiseuse de rois. Toutefois, l’équation n’est pas si simple à mettre en oeuvre. Le Centre appartenait jusqu’à peu à l’alliance de centre-droit avec les conservateurs et les chrétiens-démocrates. La ligne du parti repose en effet sur une baisse des impôts et des taxes, la promotion de l’économie de marché et l’accueil des migrants. Si ce dernier point ne constitue pas un problème pour l’alliance de la gauche, les deux premiers le sont bien plus. Le vote de vendredi montre en effet que la crise politique suédoise n’est pas totalement résolue. Si Stefan Löfven a pu compter sur les voix des sociaux-démocrates (100 sièges), du centre (31), des Libéraux (20) et des Verts (16), il dépendait aussi de l’abstention du Parti de gauche (28 élus) (2). Après avoir fait peser la menace d’une motion de censure pendant toute la semaine, le dirigeant de ce dernier, Jonas Sjöstedt, a finalement annoncé mercredi une position abstentionniste vendredi. Il a d’ailleurs mis en garde le gouvernement sur les concessions politiques obtenues par les centristes, en prévenant qu’il pourrait voter contre les lois sur la réforme les droits sociaux ou l’accessibilité au logement.

Stefan Löfven entame donc son nouveau mandat avec une marge de manoeuvre réduite et une forte pression sur son aile gauche (3). La possibilité d’une nouvelle crise gouvernementale dans les mois à venir n’est donc pas totalement à écarter.

Sources :

  1. HENLEY Jon, Could Annie Lööf become Sweden’s first female prime minister ?, The Guardian, 8 janvier 2019.
  2. Suède : le premier ministre sortant prêt à un vote du Parlement, Le Figaro & Reuters, 16 janvier 2019.
  3. PERSSON Ingvar, Sjöstedt har redan gått i opposition, Aftonbladet, 16 janvier 2019.
  4. Riksdagen, The Speaker received report from the Election Authority about extraordinary elections, 11 janvier 2019.

Thomas Gauchet