Moscou. Ping pong entre accusations et défenses, suspicions et démentis. Depuis un mois, plusieurs sources évoquent l’hypothèse d’une participation russe dans l’organisation ou au moins dans l’amplification des protestations françaises des gilets jaunes. Il s’agit en effet de protestations qui n’ont pas seulement concernées la France mais également d’autres États européens et du Moyen-orient (1). C’est dans ce sens que l’on peut lire l’annonce faite par le Ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères Jean-Yves Le Drian, annonçant le 10 décembre dernier, soit moins d’un mois après le début de la protestation, l’ouverture d’une enquête sur des soupçons de manipulations russes.

Bien qu’il n’y ait aucune preuve, ces suppositions sont le résultat d’une logique de fond : il serait dans l’intérêt de la Russie de provoquer le chaos parmi ses adversaires, en particulier au sein de pays gouvernés par des hommes politiques favorables à l’Union européenne et résistants aux idéologies souverainistes. De plus, certains groupes suspects et actifs sur les réseaux sociaux pourraient avoir été orchestrés depuis Moscou (3).

Néanmoins, deux indices ne constituent pas une preuve tangible. Bien que de nombreux mouvements souverainistes s’opposent au Président Macron et tiennent des positions proches de celles du Kremlin, ces derniers se sont également montrés capables d’agir de façon autonome. En effet, compte tenu de l’ampleur des manifestations, une direction extérieure aurait laissé plus de traces que simples retweets, comme le montre Bloomberg (2).

En ce qui concerne la Russie, il faut également noter deux éléments.

D’un côté, la réaction officielle a été l’indignation et le refus de toute forme d’implication dans les affaires intérieures des autres pays (4). Selon la position officielle, l’idéologie de Poutine, qui a été reprise par les souverainistes, prévoit théoriquement le respect de la souveraineté étatique contre toute forme d’ingérence. Il s’agit d’une position propre à la Russie déjà affirmée lors des révolutions de couleur et confirmée dans le contexte des printemps arabes et lors d’Euromaïdan en Ukraine. Pour le Président russe, revenir sur cette position dans les relations internationales serait très risqué en terme de crédibilité.

Le second élément de réflexion naît d’une provocation faite par le journaliste russe Dmitri Kisselev considéré comme l’une des voix du Kremlin (5). Alors que certains à Paris indiquaient que Moscou soutenait les gilets jaunes, Kisselev accusait Washington de soutenir les révoltes françaises, comme les États-Unis l’ont fait dans d’autres pays. Une contre-accusation qui bénéficie des tensions existantes entre Macron et Trump. Il est vrai que la Maison Blanche s’est déjà montrée par ses déclarations un adversaire plus farouche de l’Union européenne que du Kremlin.

Une fois encore, nous revenons dans le domaine des accusations sans fondement qui créent plus de confusion dans le débat public qu’elles n’éclairent d’éventuelles responsabilités étrangères sur les actions des gilets jaunes. En l’absence de preuves et de certitudes, il demeure irréfutable que les principales causes du mécontentement français et européen viennent de l’intérieur et, bien qu’elles puissent attirer la sympathie de certaines capitales étrangères, elles doivent être affrontées sans l’idée d’une orchestration internationale.

Sources :

  1. Tutti i Paesi dove i cittadini sono scesi in piazza con i gilet gialli, AGI, 14 décembre 2018.
  2. France’s Yellow Vests aren’t imported from Russia, Bloomberg, 11 décembre 2018.
  3. C’è il sospetto che Mosca sia dietro la rivolta dei gilet gialli, Lettera 43, 11 décembre 2018.
  4. Kremlin slams rumors about Russia’s alleged involvement in France’s Yellow Vests, TASS, 10 décembre 2018.
  5. Погромы в Париже : Макрону остается надеяться, что « Акт 4 » не состоится, Vesti.ru, 2 décembre 2018.

Pietro Figuera