Kaliningrad. Les projets de gazoducs Nord Stream 2 et TurkStream permettent à la Russie de marginaliser la voie de transit ukrainienne vers l’Europe et ainsi de s’affranchir d’un partenaire considéré comme peu fiable. De cette façon, Gazprom sécurise ses exportations à destination de l’UE.

Suivant la même logique de contournement d’une ex-république soviétique pouvant représenter un obstacle, ici la Lituanie, Gazprom désire sécuriser son approvisionnement de l’enclave de Kaliningrad. En effet, jusque-là, l’entreprise fournissait du gaz à la région via le tube reliant Minsk à Kaliningrad en passant par Vilnius et Kaunas, ce qui lui coûtait beaucoup en taxes de transit versées à la Lituanie et au Bélarus, et plaçait l’enclave en situation de faiblesse face à son voisin balte (1).

La stratégie de contournement est la même mais la technologie pour le faire ne l’est pas. Pour Kaliningrad, pas de gazoduc sous-marin mais l’installation d’un terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) flottant. Une solution économique et bien plus adaptée aux quantités de gaz dont il est question. Grâce au terminal, Kaliningrad pourra recevoir jusqu’à 2,7 milliards de mètres cubes de gaz par an ce qui donne à la région la capacité de se passer de la voie terrestre. Vladimir Poutine a inauguré l’infrastructure, nommée Maréchal Vassilievski, le 8 janvier 2019.

Les objectifs diffèrent également. En ce qui concerne Nord Stream 2 et TurkStream, il s’agit pour Gazprom de sécuriser ses exportations vers l’Union, dont elle est économiquement dépendante. Nord Stream 2 notamment, lui permet de relier le territoire national russe directement à son principal client, l’Allemagne.

Pour le terminal de Kaliningrad, la décision semble moins revêtir un intérêt commercial que celui de la défense nationale. En effet, ce qui est sécurisé ici ce ne sont pas des exportations vitales pour Gazprom mais l’approvisionnement énergétique d’une région isolée de Russie et donc stratégiquement faible. Bien que Gazprom soit lié à la Lituanie par un accord qui court jusqu’en 2025, le terminal « Maréchal Vassilievski » est une assurance face à un voisin qui s’émancipe progressivement du gaz russe via son terminal GNL de Klaipėda inauguré en 2014. Ce premier terminal d’importation sur le territoire russe est une réaction aux « projets de l’Union visant à retirer les pays baltes de la ceinture énergétique russe  » comme l’a laissé entendre Vladimir Poutine (2).

La sécurité énergétique de l’enclave est d’autant plus importante qu’elle abrite une base de la flotte militaire russe. À travers ses récents projets, nous constatons la double face de Gazprom, à la fois multinationale et entreprise d’Etat, servant les intérêts économiques et stratégiques de la Russie.

Perspectives :

  • Dans les années à venir il sera intéressant d’observer les proportions de gaz à destination de Kaliningrad passant par la terre ou par la mer. Cela pourrait être un indicateur du niveau de tension entre la Russie et la Lituanie.

Sources :

  1. BAYOU Céline, Russie : du GNL pour Kaliningrad, Regard sur l’Est, 10/01/2019.
  2. Putin hails energy security boost from Russia’s first LNG floating storage, Reuters, 08/01/2019.

Sami Ramdani