Washington, D.C.. Le 3 janvier dernier, avec l’investiture du 116ème Congrès, a officiellement débuté une époque qui sera marquée par une majorité démocrate à la Chambre des représentants. Avec 235 députés élus, les démocrates voient des intéressantes opportunités politiques s’ouvrir devant eux. Pour la première fois depuis son élection, Donald Trump doit faire face à une opposition organisée et légitimée par le vote.

S’il semble excessif d’y voir les prémices d’une changemente de politiques – le Sénat reste solidement aux mains des Républicains -, le parti Démocrate aura l’opportunité, dans les deux ans à venir, de faire entendre sa voix dans la politique américaine. Il s’agira d’entraver les projets politiques du Président Trump, tout en essayant d’ouvrir la voie à un candidat démocrate en vue des élections de 2020.

Dans quelle mesure le changement de majorité aura un impact dans la politique étrangère des États-Unis ? De prime abord, cet impact paraîtrait limité. Les élus démocrates semblent donner la priorité aux questions de politique interne, de l’assistance sanitaire aux infrastructures. La politique étrangère est, en outre, le domaine dans lequel le Président américain jouit traditionnellement de la plus grande autonomie. Cependant, la Constitution attribue au Congrès quelques prérogatives en matière de politique étrangère – celle du pouvoir de déclarer guerre, notamment. Vue la farouche opposition qui se prépare du côté démocrate, il est raisonnable de penser que les députés se serviront au mieux du contrôle fraîchement acquis sur deux des commissions parlementaires les plus stratégiques : celle aux Affaires Étrangères et celle aux Forces Armées et à l’Intelligence1.

La Chambre démocrate pourrait notamment contrebalancer une politique présidentielle orientée vers le désengagement, pour promouvoir des actions plus fermes contre la Russie, l’Arabie Saoudite et la Corée du Nord. Dans ce contexte, deux moments cruciaux devraient être le passage d’une résolution pour mettre fin à l’engagement américain au Yémen, ainsi que l’introduction de nouvelles sanctions contre la Russie2. Selon Eliot Engel, président pressenti de la Commission aux Affaires Étrangères, il y a de bonnes chances que le Congrès propose l’autorisation de l’usage de la force en Irak et en Syrie.

Sur d’autres thèmes par contre, tels que la Chine et la politique commerciale, une inversion de tendance semble désormais improbable : l’opposition à la Chine gagne des soutiens parmi les démocrates, avec certains députés se déclarant en faveur du protectionnisme et des taxes douanières.

En ce qui concerne l’Iran, enfin, malgré les critiques pour l’abandon du Traité sur le nucléaire, il paraît difficile pour les démocrates de changer radicalement la situation, tant que Donald Trump est au pouvoir3.

Pour réaliser ces objectifs, les législateurs démocrates disposent d’une série d’instruments établis par la Constitution. Le premier, et le plus efficace, est le « pouvoir du portefeuille » : chaque autorisation de dépense, y compris pour une intervention militaire ou le bilan du Ministère de la Défense, doit être votée par le Congrès. Deuxième instrument, tout aussi important, le rôle d’oversight, ou “supervision” : les députés peuvent initier des enquêtes, des auditions, et plus généralement des formes de surveillance de l’activité exécutive. Ce principe de contrepouvoir, check and balances, est primordial dans le système politique américain, et a été mis de côté par la majorité républicaine depuis 2016 ; pour certains, comme par exemple l’institut Carnegie Endowment for International Peace, ceci aurait fait de l’administration Trump la moins transparente depuis des années4.

Cette situation pourrait changer radicalement, avec la majorité démocrate qui serait prête à ouvrir des enquêtes officielles sur le comportement du Président, typiquement dans ses relations avec la Russie ou l’Arabie Saoudite. Enfin, il ne faudrait pas sous-estimer la coutume des élus du Congrès américain d’établir et maintenir des relations diplomatiques personnelles, au delà des orientations de l’exécutif5 : grâce à cette tradition, de nombreux députés pourraient garder des relations avec les alliés historiques des États-Unis, européens notamment, et entretenir une alternative de politique étrangère efficace.

Le 3 janvier a marqué le début d’une nouvelle phase dans la politique américaine. Seul le temps, et la capacité des élus démocrates de saisir l’opportunité, nous diront s’il s’agit effectivement du début de la fin de l’ère Trump.

Sources :

  1. BLANC Jarrett, Congressional-Executive Relations After the Midterms, Carnegie Endowment for International Peace, 29 novembre 2018.
  2. DEADY Brendan, FILIPPINO Mark, Rep. Seth Moulton Calls For Democratic Majority to Reign In Trump On Foreign Policy, WGBH, 3 janvier 2019.
  3. NILSEN Ella, The incoming House Democratic majority’s agenda, explained, Vox, 3 janvier 2019.
  4. ZENGERLE Patricia, How a Democratic U.S. House could alter foreign policy, Reuters, 7 novembre 2018.

Giovanni Collot

Sources
  1. NILSEN Ella, The incoming House Democratic majority’s agenda, explained, Vox, 3 janvier 2019.
  2. DEADY Brendan, FILIPPINO Mark, Rep. Seth Moulton Calls For Democratic Majority to Reign In Trump On Foreign Policy, WGBH, 3 janvier 2019.
  3. ZENGERLE Patricia, How a Democratic U.S. House could alter foreign policy, Reuters, 7 novembre 2018.
  4. BLANC Jarrett, Congressional-Executive Relations After the Midterms, Carnegie Endowment for International Peace, 29 novembre 2018.
  5. BLANC Jarrett, Congressional-Executive Relations After the Midterms, Carnegie Endowment for International Peace, 29 novembre 2018.