Le Caire. Le 28 décembre, l’explosion d’une bombe artisanale au passage d’un bus de tourisme dans le quartier d’Al-Marioteya, au Sud-Ouest du Caire, à proximité des pyramides de Gizeh, a tué trois touristes vietnamiens et leur guide égyptien et blessé douze autres personnes1.

Cet attentat va sans aucun doute faire du mal à l’économie égyptienne, dont le secteur touristique était pourtant en plein boom après les années noires ayant succédées au Printemps arabe : 8,2 millions de visiteurs se sont rendus dans le pays en 20172. L’attaque survenue en décembre constitue la première dans le pays depuis juillet 2017, lorsqu’un sympathisant de l’État islamique avait poignardé deux touristes dans la station balnéaire d’Hurghada3.

Suite à ce nouvel attentat, le Quai d’Orsay a mis à jour ses recommandations : tout en précisant que les mesures de sécurité ont été renforcées par les autorités locales, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères appelle les voyageurs à « faire preuve de vigilance dans [leurs] déplacements, d’éviter les zones très fréquentées et de suivre attentivement les consignes des autorités locales »4. En revanche la carte du Quai d’Orsay demeure inchangée, Le Caire se trouvant dans la zone jaune de « vigilance renforcée ».

Les retombées immédiates de l’incident sur l’industrie du tourisme semblent néanmoins relativement limitées, aucun signe ne montrant des annulations massives ou des départs anticipés de touristes se trouvant déjà sur place. Difficile de savoir si cela a à voir avec la démonstration de force désormais habituelle des autorités égyptiennes, qui ont annoncé, dans le sillage de l’attaque, l’élimination de 40 jihadistes lors de raids aériens menés à Gizeh, mais également à al-Arish, dans le Nord du Sinaï, sans pour autant préciser si ces individus étaient impliqués de près ou de loin dans l’attaque de Gizeh. Comme régulièrement, les photos diffusées par l’agence de presse officielle égyptienne MENA interrogent sur le possible caractère extrajudiciaire de ces attaques : certains corps semblent avoir été touchés dans le dos, plusieurs objets autour des cadavres, comme une bouteille d’eau pleine, sont étrangement intacts. En outre, aucun nom des présumés jihadistes n’a été communiqué. En dépit de ces éléments troublants, la communication des autorités égyptiennes paraît fonctionner, les médias nationaux et internationaux s’étant bien davantage fait l’écho de ces opération sécuritaires que de l’attentat de Gizeh.

L’enjeu est de taille pour Le Caire, qui veut, en plus de maintenir un secteur touristique dynamique, convaincre que les conditions sécuritaires sont réunies pour éventuellement accueillir la Coupe d’Afrique des Nations de football (juin 2019). Dans cette perspective, le service d’information de l’État a publié, le 1er janvier, un rapport indiquant que l’année 2018 est celle qui a vu le moins d’attaques terroristes par rapport aux cinq dernières années.

Notons qu’aucun groupe terroriste n’a revendiqué cette dernière attaque.

Perspectives :

  • La Confédération africaine de football annoncera, le 9 janvier prochain, le pays hôte de la prochaine édition de la coupe d’Afrique des nations prévue au mois de juin 2019.
  • Si des incidents comme celui du 28 décembre continuent de porter atteinte à la stabilité du pays, les deux enjeux cruciaux demeurent la situation des coptes, cibles premières de l’État islamique sur le territoire égyptien, et la situation sécuritaire catastrophique dans le Nord Sinaï, en dépit des nombreuses opérations de sécurité de grande ampleur lancées au cours des dernières années. Les autorités ne semblent néanmoins pas prêtes à remettre en question dans le futur proche leur stratégie anti-terroriste.

Marilou Jeandel