Moscou. Une enquête de l’institut de recherche Levada, publiée le 19 décembre 2018, a attiré l’attention sur un sujet qui a été maintes fois discuté et utilisé à des fins politiques : la nostalgie des citoyens russes pour l’ancienne Union soviétique. L’enquête, qui est menée par l’Institut à la fin de chaque année, a enregistré la proportion la plus élevée depuis le début des années 2000. Les deux tiers de la population (66 %) regretteraient l’URSS, ce qui est nettement plus qu’en 2017 (58 %)1 .

Peu avant, une autre enquête2 du même institut avait certifié la désaffection populaire à l’égard du président Poutine, réélu en mars dernier avec un score record mais déjà l’objet d’une désaffection consensus amorcée l’été dernier. Le jugement politique à l’égard du chef du Kremlin est est dû principalement  à la réforme contestée des retraites, qui a porté l’âge de la retraite à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes3 .

Aujourd’hui, beaucoup recoupent les données des deux sondages. En lisant attentivement les données, on constate que le démantèlement de l’ancien système économique est la principale cause des regrets des interviewés. En effet, l’Union soviétique, malgré ses limites et ses difficultés générales, a assuré une plus grande équité sociale et, surtout, a largement garanti des droits qui sont actuellement remis en cause.

La nostalgie “géopolitique” pour le statut de grande puissance perdu par Moscou est, quant à elle, en légère perte de vitesse. En effet, la Russie de Poutine a pu recouvrer, au prix de sanctions, une partie du prestige international qu’elle considère comme sa prérogative inaliénable. Le désir de « puissance » (ou plutôt, du point de vue russe, de « respect » international) n’est certainement pas encore satisfait, et la route est encore longue pour accepter la perte d’une gloire passée désormais inatteignable. Mais les priorités, pour le citoyen moyen avide de stabilité, sont probablement autres4 .

Toutefois, l’idée, mentionnée à plusieurs reprises en Occident, que les Russes regrettent le système autoritaire soviétique devrait être rejetée. S’il est en partie vrai que la démocratie, dans la mémoire collective, est souvent associée à la pauvreté et au désordre vécus dans les années 1990, aucune des raisons exprimées par les répondants ne semble mener à une telle conclusion. Au contraire, un sentiment de liberté mal compris aurait coupé les relations familiales et la confiance mutuelle entre les citoyens, sapant l’atmosphère de bien-être social relatif qu’on pouvait encore percevoir il y a trente ans.

Le développement de la nostalgie de l’URSS touche non seulement ceux qui ont vécu sous l’ancien régime (un nombre qui, pour des raisons démographiques évidentes, ne cessera de diminuer) mais aussi, ce qui est surprenant, les jeunes nés dans les années 80 et 90 qui ont uniquement entendu parler de cette époque. C’est le signe d’une transition qui n’est pas encore achevée et d’un malaise générationnel plus profond qu’on ne le pense : ce ne sont pas seulement les retraites qui dérangent les Russes, et toute insatisfaction ne se mesure pas au taux de popularité d’un président.

Sources :

  1. Russia : riforma pensioni Putin tra proteste e consensi, Istituto Affari Internazionali, 8 novembre 2018.
  2. НОСТАЛЬГИЯ ПО СССР, Levada Centr, 19 décembre 2018.
  3. ДОВЕРИЕ ПОЛИТИКАМ, Levada Centr, 8 octobre 2018.
  4. Why are Russians indifferent to the Syrian conflict ?, Open Democracy Russia, 20 juillet 2017.

Pietro Figuera

Sources
  1. НОСТАЛЬГИЯ ПО СССР, Levada Centr, 19 décembre 2018.
  2. ДОВЕРИЕ ПОЛИТИКАМ, Levada Centr, 8 octobre 2018.
  3. Russia : riforma pensioni Putin tra proteste e consensi, Istituto Affari Internazionali, 8 novembre 2018.
  4. Why are Russians indifferent to the Syrian conflict ?, Open Democracy Russia, 20 juillet 2017.