Juba. Selon le Conflict Armament Research de Londres, l’embargo sur les armes décrété par l’ONU et l’UE contre le Sud-Soudan a été violé à plusieurs reprises en 2018. Le rapport montre que l’Ouganda est responsable de la plupart des violations : il est accusé d’avoir facilité le mouvement de matériel d’armes depuis la frontière sud-soudanaise (3). La plupart des expéditions d’armes considérées sont liées au commerce international, en particulier en provenance des pays européens. Dans un contexte géopolitique où la fragilité de l’État et les crises humanitaires sont une réalité, ces faits risquent de compromettre la stabilité et l’efficacité de l’embargo sur les armes.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a renouvelé l’embargo en juillet 2018 et l’a prorogé jusqu’en mai 2019 (5). L’Union a suivi les mouvements de l’Onu, en définissant également un ensemble de sanctions contre les officiers et miliciens du pays africain (4). Ces mesures visent à une plus grande cooptation des milices dans le cadre de la construction d’un appareil de sécurité solide, comme point de départ pour une pacification du pays. Le désarmement est une nécessité absolue pour contenir le conflit généralisé au Sud-Soudan. L’engagement à apporter la paix à Juba s’inscrit dans un débat intense sur l’évolution de la géopolitique régionale : la médiation du Soudan et de l’Ouganda a été facilitée par un rapprochement progressif des deux pays, favorisé par un changement de stratégie de la politique américaine (1). Toutefois, si les faits devaient se confirmer, le processus de paix pourrait être affaibli par les agissements de l’Ouganda, qui considère toujours le Sud-Soudan comme faisant partie de son hégémonie régionale, et qui ne peut donc pas être un acteur crédible de la reconstruction (3).

La discussion porte également sur l’efficacité des mesures dans des contextes de guerre et de faiblesse des États. Il existe trois puissances régionales en Afrique centrale et dans les Grands Lacs : le Sud-Soudan, la République centrafricaine et la République démocratique du Congo. Le problème de l’efficacité de l’embargo sur les armes est soulevé par des questions historiques liées à la coopération militaire et aux pratiques du commerce des armes : comme le montre le cas soudanais, l’origine des armes tend à être européenne et c’est le résultat d’une course aux armements qui a créé un excédent dont les États disposent illégalement. Il est intéressant de voir comment les directives conduisent à une militarisation différente des milices sur le terrain : la ligne ougandaise a conduit à une dissémination substantielle sans critères de Salw (Small Arms Light Weapons), tandis qu’en Éthiopie, en Israël, au Soudan et en Égypte, d’autres pays examinés dans le rapport, la diffusion des armes s’est concentrée sur certains contextes régionaux et paramilitaires (3).

À l’heure où ces conflits ont vu une détérioration de l’appareil sécuritaire, il est nécessaire de repenser les pratiques d’embargo. Ce besoin s’explique par deux facteurs : l’entrée de nouveaux acteurs mondiaux (et avant tout la Chine) et la faiblesse des pratiques internationales de consolidation de la paix. Des régions entières du continent africain et du Moyen-Orient sont confrontées à une situation dans laquelle l’embargo sur les armes se traduit par un renforcement des réseaux commerciaux illégaux, de plus en plus liés à la fragilité des frontières et des institutions publiques (2). C’est le principal problème, également d’un point de vue juridique, pour la consolidation des processus de paix, qui impliquent le risque d’une nouvelle explosion des conflits et d’un retour aux crises humanitaires (comme en République centrafricaine et au Mali).

Perspectives :

  • 10 décembre 2018 : Conférence de Marrakech sur les migrations. La situation du Sud-Soudan sera objet d’une attention particulière.
  • Mai 2019 : Fin de l’embargo sur les armes de l’Onu/Union contre le Sud-Soudan.

Sources :

  1. BEARAK Max, Uganda brache arms embargo in funneling European weapons to South Sudan, report says, The Washington Post, 29 novembre 2018.
  2. COLLOMBIER Virginie, Armed Conflicts and the Erosion of the state : the cases or Iraq, Libya, Yemen and Syria, MENARA Working Papers, n.22, novembre 2018.
  3. Weapon supplies into South Sudan’s civil war : regional re-transfers and International intermediaries, Conflict Armament research, novembre 2018.
  4. Restrictive measures in view of the situation in South Sudan, EU sanctions map, 2018.
  5. Security Council imposes arms embargo on South Sudan, UN news, 13 juillet 2018.

Alessandro Rosa