Hambourg. Le congrès de la CDU du 7-8 décembre prochain devrait rassembler 1001 délégués. Ils auront la tâche de définir les grandes lignes politiques du parti et, comme tous les deux ans, de se choisir un nouveau chef (5).

La sarroise Annegret Kramp-Karrenbauer, actuellement secrétaire générale de la CDU, se dégage comme favorite pour l’emporter dans dix jours (48 pour cent des sympathisants se déclaraient en sa faveur le 29 novembre dernier). Sa plateforme reprend principalement les mots d’ordres essentiels de la politique d’Angela Merkel depuis 13 ans, la prospérité, la cohésion et la sécurité. Mais cette fidèle de la Chancelière tente maintenant de marquer au moins son indépendance. Elle s’est démarquée de la position du gouvernement dans des dossiers régaliens, comme lorsqu’elle a proposé le rétablissement de la conscription obligatoire. Tout en soulignant les bénéfices que l’Allemagne retire de l’immigration, Kramp-Karrenbauer veut augmenter le nombre d’expulsions, notamment vers la Syrie, qui sera bientôt un pays sûr, selon elle. Elle a aussi critiqué la double nationalité, en visant notamment l’instrumentalisation qui en est faite par le gouvernement turc de Recep Tayyip Erdoğan.

Le jeune ministre de la Santé, Jens Spahn (38 ans), semble largement distancé dans les intentions de vote (2 pour cent d’approbation parmi les sympathisants des chrétiens-démocrates). Ses prises de position peu subtiles contre la chancelière et son allure de jeune homme pressé semblent lui nuire, tout comme elles ont desservi le chef de la CSU Horst Seehofer pendant la campagne bavaroise cet été.

Friedrich Merz paraît, avec 35 pour cent des intentions de vote, être le seul concurrent crédible de l’actuelle secrétaire générale. Nombreux sont ceux parmi les sympathisants de la CDU qui apprécient les signaux envoyés par ce membre de l’aile libérale-conservatrice. Il a reçu le soutien officieux de Wolfgang Schäuble lui-même, président du Bundestag et deuxième plus haut personnage de l’État. L’ancien ministre des finances serait même à l’origine de la candidature de Merz.

En 2003, avant de s’éloigner la vie politique, Friedrich Merz avait promu une réforme fiscale radicale (2). Partisan d’un choc de simplification, il voulait à l’époque ramener à trois le taux de l’impôt sur le revenu, de manière à faire tenir ses règles “sur un rond à bière”. Dans sa volonté de donner des gages à l’aile droite du parti, qui rejette en grande partie l’héritage des années Merkel, Merz a aussi évoqué, lors d’un débat en Thuringe, la possibilité de réviser la Loi fondamentale allemande, qui, après la seconde guerre mondiale, avait consacré le droit individuel à l’asile (4).

La richesse personnelle de Merz fait aussi l’objet d’un débat en Allemagne. En effet, l’avocat de profession, qui s’est lui-même défini comme appartenant à la “classe moyenne supérieure”, s’est enrichi considérablement depuis qu’il a quitté la politique en 2009, avec des passages dans les conseils d’administrations de plusieurs grandes entreprises internationales, comme notamment le leader mondial de la gestion d’actifs Blackrock (3).

Les différences entre les trois candidats à la direction de la CDU ne passent pas par Bruxelles : sur l’Europe, ils ne se distinguent pas beaucoup les uns des autres. Merz avait cosigné une tribune appelant l’Allemagne à répondre aux propositions d’Emmanuel Macron, mais il a depuis pris ses distances avec ce texte, affirmant face à des députés de la CDU qu’il n’était “absolument pas pour une assurance chômage européenne” (1). Cependant sur les positions régaliennes, il retrouve Annegret Kramp-Karrenbauer, et tous deux adhèrent au mot d’ordre d’une “Europe qui protège”.

Perspectives :

  • La CSU s’apprête à effectuer un changement de direction avec le départ de Horst Seehofer prévu pour janvier 2019.
  • La croissance allemande devrait devenir un sujet de débat au sein de l’Union CDU/CSU en 2019.

Sources :

  1. Merz distanziert sich von Europa-Aufruf, den er selbst unterzeichnet hat, Der Spiegel, 9 novembre 2018.
  2. Parteitag billigt Merz’ radikales Steuerkonzept, Der Spiegel, 2 decembre 2003.
  3. Union legt deutlich zu – Grüne verlieren spürbar, Die Welt, 29 novembre 2018.
  4. Migration und Asyl : Friedrich Merz will offenbar Grundgesetz ändern, Euronews, 22 novembre 2018.
  5. KUZMANY Stefan, Geld spielt eine Rolle, Der Spiegel, 30 novembre 2018.
  6. CDU-Parteitag in Hamburg : Was man jetzt wissen muss, Westfälische Rundschau, 30 novembre 2018.

Pierre Mennerat