Singapour. « L’ASEAN a salué les progrès accomplis dans la mise en œuvre de mesures concrètes dans le cadre de la Déclaration de conduite (DOC) des parties en mer de Chine méridionale (…). Cela a participé à créer un climat de confiance et à prévenir les erreurs de calcul sur le terrain. Nous attendons avec impatience la conclusion rapide d’un Code de conduite efficace », a conclu le Premier Ministre singapourien Lee Hsien Loong, dans un discours lors du 33e sommet de l’ASEAN (4). Une déclaration qui peut être considérée comme exagérément optimiste.

Récemment, Chine et ASEAN ont avancé dans l’élaboration d’un Code de Conduite (COC), en projet depuis les années 90, avec l’annonce d’un accord le 2 août 2018 sur un texte de négociation unique (2) – ce qui représente une étape préliminaire à un accord final lorsque les pourparlers sont difficiles. Euphémisme dans le cas de la mer de Chine méridionale où des possessions territoriales au regard du droit international doivent subir des revendications sans concession de la part de la Chine et les désirs d’influence des puissances de la région sur une zone stratégique majeure. En effet, la mer de Chine méridionale constitue une artère maritime du commerce international essentielle, et ainsi un potentiel outil de pression pour la puissance qui dominerait ces eaux.

Dans le cadre d’un futur COC, certains points de tension constituent actuellement une impasse. Le Vietnam souhaite par exemple depuis longtemps inclure dans le texte la zone maritime des îles Paracel, ce que refuse Pékin au motif que le contentieux autour de ces îlots serait à résoudre de manière bilatérale, ne concernant que les deux pays et non pas l’organisation ASEAN (6). Un processus qui assurerait un rapport de force entièrement à l’avantage chinois. Ces différends avaient notamment participé à une rupture des négociations sur le COC en 2002, et aboutit à la DOC, non contraignante. L’état actuel du texte de négociation unique semble cependant prendre une direction similaire. Beaucoup d’éléments demeurent inconciliables ou non abordés dans le texte – comme le mécanisme de règlement des contentieux.

Parallèlement, la Chine souhaite inclure une clause interdisant la conduite d’exercices militaires conjoints avec des pays extérieurs, empêchant ainsi d’autres puissances, États-Unis en tête, de tenter de maintenir un semblant d’équilibre dans la zone. Ces derniers ainsi que l’Australie et le Japon se sont positionnés officiellement en faveur d’un COC « conforme au droit international existant » (6). Mais il n’est pas envisageable actuellement qu’un COC à même de résoudre les différends et conforme à l’UNCLOS voit le jour. L’utilité actuelle semble plutôt de gérer les tensions autour des contentieux (1).

La mer de Chine méridionale devrait à l’avenir inquiéter également l’Europe de manière croissante, et particulièrement la France au regard d’une perspective de déni d’accès à des zones d’opération et de pêche, ou de blocage d’approvisionnement et de transport de biens dans une mer où transitent près de 70 pour cent du commerce européen en produits manufacturés (3).

Perspectives  :

  • 2018 : les rounds de négociations autour du Code de conduite des parties vont se poursuivre dans un contexte de tensions Chine-États-Unis.
  • 2019 : l’ASEAN débutera des exercices navals conjoints avec les États-Unis, une façon de maintenir un équilibre relatif entre deux puissances partenaires économiquement cruciales pour les pays de la zone.

Sources :

  1. CSIS Expert Working Group on the South China Sea, “A blueprint for a South China Sea Code of Conduct”, Asia maritime transparency initiative, 11 octobre 2018.
  2. IWAMOTO Kentaro, “ASEAN and China create “single draft” for South China Sea Code of conduct”, Nikkei Asian Review, 2 août 2018.
  3. LETOUZE Axelle, “Pourquoi la France doit regarder vers la mer de Chine méridionale”, Asia Focus #41, IRIS, septembre 2017.
  4. Prime Minister’s office Singapore, Transcript of Prime Minister Lee Hsien Loong statement at the press conference by the ASEAN Chair on the 33rd ASEAN summit, 15 novembre 2018.
  5. VALENCIA Mark J., “The draft Code of conduct for the South China Sea has significant political ramifications for ASEAN”, ASEAN Today, 24 septembre 2018.

Jessy Périé