La Havane. En avril 2018, l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire a élu le président Miguel Díaz-Canel. Comme l’avaient prédit les observateurs internationaux, cette élection n’a pas constitué une transition ni politique ni institutionnelle, mais plutôt la réaffirmation d’un système politique centralisé qui continue d’être dirigé par le Parti Communiste de Cuba (PCC). Parmi les principales modifications constitutionnelles proposées, se trouve la limitation de la présidence à deux mandats consécutifs de cinq ans et la mise en place d’une limite d’âge fixée à 60 ans (Art 121 et 122).

D’autres modifications importantes ont été formulées sur le plan social et concernent notamment la communauté LGTBIQ+ cubaine. La nouvelle Constitution sanctionne tout acte de discrimination pour motif d’identité de genre et d’orientation sexuelle (Art. 40) et définit le mariage comme une union “entre deux personnes” (Art. 68), à la différence de la Constitution de 1976 qui ne reconnaît que le mariage entre un homme et une femme1. De nombreuses manifestations contre et en faveur de l’égalité devant le mariage ont eu lieu, ces dernières ayant été organisées principalement par le Centre National d’Education Sexuelle (CENESEX). Certains cubains estiment2 que cette problématique a éclipsé d’autres thèmes qui auraient mérités d’être débattus, comme le maintien de l’élection présidentielle par voie indirecte, la reconnaissance de la propriété privée, la régulation étatique de la concentration des richesses et du marché national. D’après les chiffres officiels du gouvernement, plus de 7 millions de cubains – à l’intérieur et hors du pays – ont participé aux débats, ce qui a conduit à 560.003 modifications du texte3 ; un résultat qui s’explique par le scepticisme et le manque de confiance à l’égard des autorités.

Cuba est confrontée à d’importantes difficultés dans le processus d’actualisation de son modèle économique. Par exemple, le mode de gestion du capital privé reste incertain, tout comme la mise en place d’un modèle économique qui privilégierait l’investissement étranger direct par rapport à l’investissement national privé4. Bien qu’il se prétende inclusif, le modèle proposé réduit la capacité d’initiative des travailleurs indépendants. De plus, Cuba développe un modèle de relations extérieures plus diversifié depuis le début des années 90 et la disparition de l’Union Soviétique. Bien qu’il ne soit pas un programme de développement, ce projet de Constitution montre la voie provisoire empruntée par le gouvernement dans la construction de son modèle socialiste.

Au sujet des libertés d’expression et d’association, le projet de Constitution reste plutôt vague. Sont reconnues certaines formes d’association à des fins licites et pacifiques, mais celles-ci ne sont pas spécifiées, laissant la porte ouverte à de possibles répression. Aussi, la création artistique est dite libre, mais son contenu doit respecter “les valeurs de la société socialiste cubaine” (Art. 95 paragraphe h).

Du point de vue social, le projet constitutionnel repositionne Cuba sur le plan international, particulièrement en ce qui concerne la reconnaissance de droits sociaux. Il convient de rappeler que Cuba est un des rares pays d’Amérique latine qui reconnaît le droit à l’avortement, qui sanctionne le viol et l’abus sexuel, et qui est doté de politiques publiques qui garantissent l’égalité de genre et la sécurité sociale de maternité des travailleuses5.

Perspectives :

  • Les propositions du projet de nouvelle Constitution engendreront la réorganisation de la structure gouvernementale et juridique du pays, un processus de longue haleine qui continuera d’être forgé par l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire.
  • Les mesures incitatives pour les travailleurs indépendants – qui représentent 13 pour cent de la main d’œuvre active à Cuba – restent en suspens. À partir du 7 décembre 2018, le regroupement des activités autorisées par le gouvernement entrera en vigueur et il ne sera autorisé d’exercer qu’une activité par personne. Il sera important d’observer l’impact informel de ces normes sur les travailleurs indépendants.
  • Quant aux relations commerciales de Cuba, le défi principal est constitué par la capacité du pays à permettre l’investissement étranger direct sans que cela porte atteinte à leur principe socialiste d’égalité et aux intérêts du peuple cubain.
Sources
  1. República de Cuba, Proyecto de Constitución de la República de Cuba.
  2. Cuba vers une nouvelle Constitution, après trois mois de débats, Courrier international, 15 novembre 2018.
  3. ¿Qué propuestas han realizado más de siete millones de cubanos en torno a la Constitución ?, Diario de Cuba, 3 novembre 2018.
  4. Mantiene Cuba relaciones comerciales con más de 20 países en solo tres años, Juventud Rebelde, 8 mai 2018.
  5. Commission Économique de l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL), Observatorio de Igualdad de Género.