En bref — La visite récente du chef du gouvernement israélien à Mascate bouscule la position de médiateur régional du sultanat d’Oman. En effet, alors qu’Oman est habitué à prôner la neutralité dans la rivalité entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, sa position pourrait être remise en cause du fait de son rapprochement vis-à-vis de l’État hébreu, allié du royaume wahhabite et grand ennemi de la République islamique.

Mascate. Depuis l’accession au pouvoir de Qaboos ibn Said al-Said en 1970, le sultanat d’Oman fait figure de médiateur dans la région. Depuis plusieurs années, Oman essaie d’ailleurs de favoriser les discussions et les négociations entre les deux rivaux régionaux que sont l’Iran et l’Arabie Saoudite, ainsi qu’entre les différentes parties dans le conflit qui embrase le Yémen (5). Par ailleurs, Oman avait aussi permis la tenue de discussions entre les États-Unis et l’Iran à propos du JCPOA (1).

Le 25 octobre dernier, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu s’est rendu à Oman afin d’y rencontrer le sultan Qaboos. Nous faisions déjà état, il y a deux semaines, de ces visites officielles israéliennes à Mascate et Abu Dhabi (2).

La visite de Benyamin Netanyahu à Oman est symbolique pour deux raisons. La première : le sultanat étant un pays arabe, cette visite s’inscrit dans la politique israélienne de rapprochement en vue d’une alliance de circonstance entre l’État hébreu et certains États arabes, avec en première ligne l’Arabie Saoudite. La seconde est dans le prolongement de la première : cette volonté d’entretenir des liens s’inscrit dans l’adage selon lequel “l’ennemi de mon ennemi est mon ami”. L’objectif, ici, est d’isoler diplomatiquement la République islamique d’Iran et de faire front contre elle, avec notamment le soutien d’un mastodonte international : les États-Unis.

Où se situe “le monde occidental” dans la diplomatie omanaise ? Vis-à-vis des États-Unis, Oman représente un partenaire de commerce : en 2017, plus de deux milliards de biens américains ont été envoyés à Oman, ces derniers étant principalement des voitures, des matériaux industriels et du matériel militaire. En contrepartie, le sultanat transmit aux États-Unis en majorité de la matière plastique et des produits fertilisants. En substance, leur relation commerciale n’est que très peu basée sur le pétrole et les hydrocarbures (3).

Concernant l’Union, le ministère omanais des Affaires étrangères et le Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE) ont signé en septembre dernier un accord de coopération visant à promouvoir le dialogue dans des domaines d’intérêt mutuel (4).

Perspectives :

  • La question de la succession se pose de plus en plus à Oman. Bien que de fortes rumeurs font état, depuis plusieurs mois, d’un favori à la succession en la personne du cousin du sultan, Sayyid Asaad ibn Tariq al-Said, aucune annonce officielle n’a été faite. Cette question est toutefois fondamentale : le successeur de Qaboos jouera-t-il aussi la carte de la médiation et de la neutralité ?
  • La question palestinienne semble être passée au second plan depuis le début de la décennie 2010. Cette perte d’intensité peut expliquer, en partie, la réussite de la politique de rapprochement entre Israël et les États arabes, qui ne semble pas destinée à s’arrêter prochainement.

Sources :

  1. “Un rôle que nous avons quelque peu surestimé” selon Marc Valeri, spécialiste du sultanat d’Oman  : Entretien avec Marc Valeri – Le point sur Oman, Les Clés du Moyen-Orient, 20 mai 2016.
  2. DENTICE Giuseppe, Israël-Golfe : la recherche de la stabilité au Moyen-Orient passe par l’Iran ( ?), La Lettre du Lundi, 5 novembre 2018.
  3. KATZMAN Kenneth, Oman : Reform, Security and U.S. Policy, Congressional Research Service, 9 novembre 2018.
  4. L’UE et Oman signent un accord de coopération, Service Européen pour l’action extérieure, 20 septembre 2018.
  5. YADAV Stacey Philbrick, Oman is a mediator in Yemen. Can it play the same role in Qatar ?, The Washington Post, 22 juillet 2017.

Maxime Onfray