Palerme. Les deux journées siciliennes consacrées à la crise libyenne ont pris fin le 13 novembre. Certains succès alternent avec de nombreuses inconnues : parmi celles-ci, la faible représentativité de certaines réalités présentes sur le territoire libyen, notamment dans le centre et le sud du pays, ainsi que les frictions qui seraient enregistrées dans le cadre des tables politiques de la conférence (1). Avec la participation de 37 délégations internationales et de pays étrangers, l’événement n’a pas traité des flux migratoires, comme l’a assuré Conte, bien que la présence de la République tchèque et de la Grèce suggère exactement le contraire. La conférence a servi, en politique intérieure, à évaluer la cohérence de la diplomatie italienne, tandis qu’en politique étrangère, elle a jeté les bases prometteuses d’une médiation sur différents fronts, à laquelle est inévitablement lié le débat sur qui a la place centrale dans le processus de paix (3).

Lors de la conférence de presse finale, Ghassan Salamè, envoyé spécial de l’Onu en Libye, a déclaré : « On n’est jamais sûr de ce qui se passe pendant un processus de paix. » C’est en effet la seule certitude à la fin de la Conférence de Palerme. La veille a été marquée par la très forte absence de Khalifa Haftar. Cette nouvelle fut rapidement démentie par Tobrouk, mais le leader libyen ne prit part qu’aux photos rituelles, aidant Giuseppe Conte à construire l’image d’une conférence pleinement réussie, puis à quitter la Sicile pendant les tables politiques. Cela soulève des doutes très sérieux quant à l’organisation des prochains événements prévus en Libye, liés à l’organisation d’une armée régulière unifiée, ainsi qu’à une structure institutionnelle solide, qui peut garantir un processus électoral crédible en 2019 (2). Le mot d’ordre de l’événement était « souveraineté », qui apparaît plusieurs fois dans le rapport final (1). La lenteur du processus de mise en place des institutions devrait être suivie d’un référendum pour doter le pays d’une nouvelle constitution, suivi d’un cycle électoral (4).

La Conférence de Palerme a repris en de nombreux endroits l’Accord signé à Skhirat, au Maroc, en 2015 : ce document avait conduit à la création d’un Accord politique libyen qui avait abouti à une feuille de route claire dont la pierre angulaire était le contrôle des armements et le facteur militaire sous autorité civile (2). Entre-temps, il y a eu des tentatives de médiation stériles tant du côté français, avec Macron qui a construit l’image de l’homme de l’espoir pour les Libyens, que du côté italien, mais seulement dans le but de gérer les flux migratoires (3). Un aspect positif est le changement de perspective : la devise « Pour la Libye avec la Libye » semblait être une véritable ambition de placer la construction de l’État libyen au cœur du désir de paix et de sécurité de la population (4). Durant deux jours, l’événement de Palerme a cependant présenté de graves lacunes : la présence d’acteurs économiques centraux, tels que la Banque centrale libyenne et l’Autorité nationale pour la gestion du pétrole, n’a pas été suivie d’une participation équitable des forces paramilitaires dans les zones du sud qui sont au cœur de l’équilibre géopolitique (3). Ce qui n’est pas de très bon augure pour la conférence nationale libyenne, prévue en janvier 2019.

Outre le débat sur la dynamique interne libyenne, il convient également de mentionner le rôle des délégations étrangères. Parmi les pays voisins, représentés par leurs chefs d’État respectifs, le plus important est le Tchad, qui utilise les zones du sud de la Libye comme sa sphère d’influence, ce qui nourrit le phénomène de privatisation de la violence. La délégation turque a fait sensation lorsque le vice-président Oktay a quitté la table des négociations, tandis que la France, représentée par le ministre des Affaires étrangères, Le Drian, faisait profil bas (2). Parmi les organisations internationales, la Ligue arabe mérite un regard plus attentif, car elle n’a pas témoigné une ligne politique claire vis-à-vis du contexte libyen, ne voulant pas créer de nervosité entre les pays membres présents. Les deux puissances mondiales, en revanche, ont utilisé deux approches différentes : la présence technique du représentant américain, David Satterfield, membre du bureau du département d’État au Moyen-Orient, s’est accompagnée de la présence plus pressante de Dmitri Medvedev, premier ministre russe, qui a déjà promis des investissements importants en Libye (2). Tous les participants s’accordent à dire que la solution politique à la crise libyenne devrait être au cœur des discussions. Maintenant, nous devons attendre et déterminer quelle ligne triomphera.

Perspectives :

  • Bien qu’aucune mention spécifique n’ait été faite de la migration, cette conférence a contribué à façonner la ligne migratoire de nombreux pays participant au Sommet de Marrakech en décembre pour discuter d’un pacte mondial en matière de gestion des flux.
  • Janvier 2019 : date limite possible pour l’organisation d’une rencontre pour la réconciliation nationale, la deuxième étape de cette “construction institutionnelle” poursuivie à Palerme. Le facteur préoccupant est le malaise de nombreuses milices libyennes non représentées, ainsi que les hostilités, en particulier à Tripoli, enregistrées quelques heures après la Conférence de Palerme.

Sources :

  1. Farnesina-MAECI, Palermo Conference for and with Libya (12-13 November 2018)- Conclusions, 13 novembre 2018.
  2. ISPI Focus, Libia : la posta in gioco al vertice di Palermo, 12 novembre 2018.
  3. MATTIELLO Angelo, Verso una nuova roadmap della Libia ?, Senato della Repubblica-Servizio Affari Internazionali, 12 novembre 2018.
  4. SALAME’ Ghassan, Remarks of SGSG Ghassan Salamè to the United Nations Security Council on the situation in Libya, UNSMIL- United Nations Support Mission in Libya, 9 novembre 2018.

Alessandro Rosa