Rome/Bruxelles. Le 21 novembre, la Commission Européenne a publié un rapport (1) sur l’état du budget italien. Prévu par l’article 126 du Traité de fonctionnement de l’Union Européenne, ce rapport a pour objectif d’étudier la possibilité d’une procédure de déficit excessif contre l’Italie. C’est donc la première étape d’un chemin qui peut mener à des sanctions : une amende allant jusqu’à 0.2 pour cent du PIB Italien et le gel des aides européennes.

C’est le résultat d’une escalade progressive ces derniers mois. Le 23 mai dernier, la Commission avait publié un premier document, suivant l’article 126, considérant en substance que l’Italie n’avait pas assez fait d’effort pour respecter le critère de maintien de la dette en 2017. Le 13 juillet, il a été suivi d’une série de recommandations par le Conseil Européen. Malgré cet avertissement, le budget prévisionnel publié le 16 octobre par le Trésor Italien implique une détérioration de la balance structurelle de 0,9 pour cent du PIB. Le 23 octobre, la Commission a répondu en adoptant un avis requérant de l’Italie une révision de ce budget. Le budget prévisionnel italien révisé pour l’année 2019, paru le 13 novembre, n’a pas convaincu la Commission, ce qui nous mène au présent rapport.

Il est globalement défavorable. Le déficit italien ne dépassera pas la barre des 3 pour cent en 2018 ou 2019, que ce soit selon le calculs de la Commission ou du Trésor Italien. C’est le niveau de la dette italienne qui est en cause (131,7 pour cent du PIB en 2017 soit bien au dessus des 60 pour cent fixé par l’article 126). La Commission juge que l’effort italien pour le réduire n’est pas suffisant. En particulier, elle considère le budget prévisionnel pour 2019 comme une aggravation significative de la position italienne par rapport aux années précédentes. En plus de l’absence de consolidation fiscale, ce sont la proposition d’un “revenu de citoyenneté” par le gouvernement Italien et la réforme des retraites qui sont visées : ils représentent environ 80 pour cent de l’affaiblissement du déficit structurel en 2019.

Dans le budget révisé de 2019 du 13 novembre, l’avis italien était différent. Il soulignait 4 éléments : une politique de consolidation fiscale pourrait avoir des conséquences récessives ; l’Italie n’a pas encore atteint sa croissance potentielle et donc sa situation pourrait s’améliorer dans le futur ; l’objectif du gouvernement est de relancer la croissance par un surplus d’investissement public et des réformes structurelles, notamment dans le secteur de la justice ; et enfin la dette italienne serait fortement soutenable. Le rapport du 21 novembre balaie ces arguments : d’après les calculs européens, l’économie italienne est proche d’être à capacité et la dette italienne doit être considéré à risque d’insoutenabilité en cas de décrochage en 2019.

La rupture fiscale entre la Commission et l’Italie n’est pas consommée pour autant. Jeudi 22, Luigi Di Maio a évoqué des possibilités d’accord et Moscovici s’est dit “convaincu qu’au final nous y arriverons car c’est dans l’intérêt commun” (2). Le scénario le plus probable est donc la mise en place d’un nouvel ultimatum de 3 à 6 mois à partir de la réunion des ministres du budget de l’Eurozone en janvier. Si l’Italie ne satisfait pas la Commission à ce moment, elle pourrait alors être sanctionnée.

Étant donné l’imminence des élections européennes, cela revient à mettre le destin italien dans les mains des électeurs européens. C’est l’un des enjeux de ces prochaines élections.

Perspectives :

  • À court terme, la procédure en déficit excessif peut inquiéter les investisseurs sur les marchés des dettes souveraines et augmenter le coût de l’endettement italien.
  • À moyen terme, l’issue la plus probable est un nouvel ultimatum européen à l’Italie : elle ne sera donc pas sanctionnée avant les prochaines élections européennes. Tout dépendra de l’administration qui émergera en mai 2019.
  1. Commission Européenne, Rapport de la Commission – Italie, 21 novembre 2018
  2. VALDONI Gisela, Italy to resist budget pressure ahead of EU elections, Reuters, 22 novembre 2018

Cyprien Batut