Stockholm. Le gouvernement suédois vient de créer une commission d’enquête sur une éventuelle adhésion de la Suède à l’Union bancaire européenne. En effet, la Suède, pour diverses raisons, n’est pas membre de cette union. Le débat existe depuis 2015 en Suède, où la représentation parlementaire est plutôt réticente à l’idée de rejoindre ce mécanisme européen. Toutefois, le gouvernement a décidé de s’intéresser au problème, qui fera l’objet d’un examen approfondi jusqu’à l’automne 2019. Par la suite, le gouvernement et le parlement décideront du positionnement de la Suède lors des négociations au sein de l’Union. Le gouvernement estime qu’il pourrait être justifié de compléter le mécanisme de contrôle commun et le mécanisme de résolution commune au sein de l’Union bancaire par une garantie commune des dépôts. Mais les autorités suédoises veulent qu’elle soit associée à des mesures visant à réduire les risques dans le système bancaire. De plus, le gouvernement veut laisser aux États membres une marge de manœuvre suffisante pour qu’ils puissent appliquer le cadre réglementaire de manière adaptée à leur secteur financier (3). Rappelons que l’objectif de l’Union bancaire européenne est de faire en sorte que les banques en difficulté soient gérées à l’avenir sous des formes ordonnées, aux coûts les plus bas possibles pour les contribuables. Pour ce faire, l’union bancaire prévoit trois outils : un mécanisme de contrôle commun (MSU), qui surveille environ 150 à 200 banques ; un mécanisme de résolution (MRU), qui prévoit la création d’un fonds de résolution conjoint pour prêter de l’argent directement aux banques en cas de crise ; et enfin un fonds de garantie des dépôts, un fonds commun, financé par des banques, qui pourra fournir, sous certaines conditions, des prêts pour des garanties de dépôt nationales qui ont besoin d’argent (2).

Le débat pour l’adhésion à cette union bancaire est donc très vif en Suède, où les partisans et opposants s’affrontent par publications interposées. Ainsi, ceux qui souhaitent voir le pays rejoindre l’union bancaire mettent en avant la mondialisation des crises financières, mais aussi le fait que la Suède gagnerait en influence en adhérant au processus. Ils s’appuient sur le fait que la Suède, pays tributaire de ses exportations, n’est en bonne santé économique que lorsque les autres États membres se porte bien également. Ils arguent du fait que l’Union bancaire permet aux États membres de l’Union de partager leurs risques avec d’autres pays afin de créer un marché financier plus sûr pour les contribuables et les clients des banques, tant en Suède que dans le reste de l’Union : y adhérer permettrait d’influencer pleinement l’union bancaire et de bénéficier des effets positifs (5). Les opposants à cette adhésion pointent du doigt le risque pour les contribuables suédois de supporter le coût des faillites de banques créées par des décisions prises à l’étranger. Ils dénoncent aussi la complexité de la coopération européenne en cas de crise, entre la Commission européenne, les ministres des finances européens, la Banque centrale européenne et les autorités de surveillance nationales. De plus, ils craignent une pression pour délaisser la couronne suédoise de la part des autres pays européens en cas de crise (4). Ces parlementaires suédois partagent l’inquiétude de l’Allemagne et de l’Autriche, deux pays sceptiques quant au partage des risques entre différents États membres. Ils craignent que les résidents allemands et autrichiens soient obligés de garantir des dépôts dans d’autres pays.

Le débat prend d’autant plus d’ampleur que, dernièrement, Nordea, la plus grande banque des pays nordiques, a utilisé l’Union bancaire comme argument pour déplacer son siège de la Suède à la Finlande. Pourtant, si la banque a quitté le pays, c’est surtout à cause du projet gouvernemental de hausse des frais bancaires. Mais le directeur général de la banque, Casper von Koskull, a déclaré le 1er octobre dernier, au moment où il annonçait le déménagement du siège à Helsinki, que : « Cela signifie, pour nous, que nous sommes plus européens, et nous adhérons à l’union bancaire, dont la Finlande est membre. » Le président de Nordea, Björn Wahlroos, estime que la Finlande, membre de la zone euro et de l’Union bancaire, est une meilleure base d’implantation pour Nordea (1).

Sources :

  1. ACKETOFT Tina, Debatt : Bankunionen ger Sverige trygghet, EuropaPortalen, 8 novembre 2018.
  2. ANDERSSON Max, Debatt : EU:s bankunion – inget för Sverige, EuropaPortalen, 7 novembre 2018.
  3. BLOMQVIST Jonas, När Nordea blev finskt – landskampen där man vinner pengar och tvingas ta risker, Svenska Yle, 1er octobre 2018.
  4. EuropaPortalen, Bankunionen | Skydd mot framtida bankkriser, 31 octobre 2018.
  5. Sveriges Riksdag, Europeiskt insättningsgarantisystem och fullbordande av bankunionen, 23 décembre 2015.

Thomas Gauchet