Belfast. Les unionistes du cabinet ont manifesté leur mécontentement vis-à-vis du projet de sortie de l’Union proposé par Theresa May et publié par la Commission européenne. Le secrétaire d’État en charge du Brexit, Dominic Raab, et la secrétaire d’Etat au travail, Esther McVey, se sont dits opposés à la mise en place du “backstop” à la frontière entre les deux Irlandes. Selon eux, le backstop prévoit le maintien du Royaume-Uni dans une union douanière et un alignement réglementaire plus poussé pour l’Irlande du Nord. Ce qui pourrait, selon les unionistes, représenter une menace pour l’intégrité du Royaume-Uni. Si le gouvernement britannique s’était engagé à prendre les mesures nécessaires pour préserver l’état actuel de la frontière nord-irlandaise et protéger l’héritage du Good Friday Agreement de 1998, les unionistes d’Irlande du Nord s’opposent catégoriquement à cette solution, estimant qu’elle pourrait à terme déplacer la frontière entre le Royaume-Uni et l’Union dans la mer d’Irlande.

L’unionisme de Dominic Raab et d’Esther McVey, tous deux membres du parti Conservateur, est encore plus prégnant dans cette région du Royaume-Uni où les deux principaux partis unionistes, le Democratic Unionist Party (DUP) et le Ulster Unionist Party (UUP) se sont empressés d’exprimer leur désaccord. Si jusqu’à présent ces partis avaient une influence limitée, Theresa May s’est reposée sur un accord avec le DUP lors des dernières élections anticipées en 2017 pour obtenir une majorité au parlement, un accord connu comme “confidence and supply agreement”, selon lequel les 10 membres du Parlement du DUP s’engagent à voter en faveur des grandes propositions du gouvernement May en échange d’un financement exceptionnel d’un milliard de livres pour l’Irlande du Nord. Le DUP cherche ainsi à éviter son pire cauchemar : la mise en place d’une frontière dans la mer d’Irlande.

Or, il y a quelques jours, les MPs du DUP ont voté contre des amendements au projet de budget (1) du ministre des finances Philip Hammond, qui devait mettre fin, selon ce dernier, aux mesures d’austérité, et accorder aux régions dévolues des financements supplémentaires, ainsi qu’au NHS qui célèbre ses 70 ans cette année (2). En s’opposant ainsi au budget, le DUP a envoyé un signal clair à la première ministre, dont le projet de “backstop” est perçu comme une véritable trahison de la cause unioniste qui pourrait remettre en question la validité du “confidence and supply agreement” sur lequel la majorité de May repose.

De l’autre côté de la mer d’Irlande, les unionistes écossais, notamment au sein du parti conservateur, ont également souligné le danger de cette mesure pour l’Union, alors que de leur côté les nationalistes du Scottish National Party (SNP) ont indiqué que si l’Irlande du Nord bénéficiait d’un statut particulier, l’Écosse devrait se voir proposer le même statut.

Perspectives  :

  • Le Sinn Féin, principal parti nationaliste d’Irlande du Nord, a vivement critiqué la décision d’Arlene Foster. La secrétaire d’Etat chargée de l’Irlande du Nord, Karen Bradley, a quant à elle indiqué que si le “backstop” n’était pas mis en place, une frontière fermée (“ a hard border”) serait réintroduite, séparant l’Irlande du Nord et la République, ce qui raviverait sans aucun doute pour les communautés frontalières le douloureux souvenir des Troubles.

Sources :

  1. PICKARD Jim, Democratic Unionists refuse to back May in finance bill vote, The Financial Times, 20 novembre 2018.
  2. STEWART Heather et Larry Elliott, Hammond delivers budget of tax cuts and spending to shore up May, The Guardian, 29 octobre 2018.

Nolwenn Rousvoal