Londres. Les négociateurs britanniques sont parvenus à un projet d’accord technique avec l’Union (3). Celui-ci a été publié mercredi par la Commission européenne et a plongé le Royaume-Uni dans le deuxième grand chaos politique depuis cet été. Quatre membres du gouvernement ont démissionné jeudi, dont Dominic Raab, le ministre qui était précisément en charge du Brexit et censé piloter le texte de l’accord. Depuis le début de la négociation, c’est le deuxième ministre délégué à ce dossier qui quitte le gouvernement, après David Davis. Le chef de file des Brexiters à la Chambre des Communes, Jacob Rees-Mogg, a appelé à un vote de défiance contre Theresa May, qui aurait rallié au moins 22 élus conservateurs selon AFP (1), le nombre requis par le système britannique étant de 48. Le choix d’un nouveau leader du parti Conservateur impliquerait plusieurs étapes mais il éviterait la tenue d’élections. C’est ainsi que Theresa May a succédé à David Cameron (6).

Les partisans d’un second référendum ont interprété la déclaration de la Première Ministre- selon laquelle il pourrait ne pas y avoir de Brexit du tout, “No Brexit at all”, si l’accord n’est pas accepté – comme un signe d’espoir, conforté en outre par les sondages qui donnent l’opinion publique britannique désormais majoritairement favorable au fait de rester au sein de l’Union (2). Le “No Brexit at all” de Theresa May sonne toutefois comme une menace opaque, si l’on songe à l’article 50, activé en mars dernier. Car elle s’est également prononcée contre la tenue d’un second référendum. Mais la fragilisation de sa position et la prise de conscience d’une impasse grandissante pourraient signifier que l’opinion publique a rejoint le point qui était attendu depuis des mois. Une manifestation s’est tenue le 20 octobre à Londres sur la question d’un nouveau vote sur le Brexit et un ralliement mardi dernier a été suivi de déclarations en faveur de cette hypothèse (4).

Deux membres de l’exécutif avaient déjà démissionné lors du règlement de comptes signé Brexiters de cet été, au moment de la présentation de l’accord de Chequers, sur la base duquel les deux parties ont négocié jusqu’à présent. Un manque de progrès substantiel sur la question cruciale de l’Union douanière est la cause principale de ce nouveau chaos. En effet, dans l’accord publié vendredi par la Commission, c’est toujours le backstop – ou filet de sécurité – qui pose problème. Il prévoit le maintien du Royaume-Uni dans l’union douanière et un alignement réglementaire plus poussé sur l’Irlande du Nord, au cas où, après les 21 mois de transition qui devraient suivre le Brexit, une solution n’était pas trouvée sur la future relation entre les deux parties (5).

Aucune composante politique ne semble en faveur de l’accord qui vient d’être proposé. Il est estimé impossible par les Brexiters, qui ne veulent pas rester dans l’Union douanière de façon transitoire mais plutôt sortir sans parachute, et par les unionistes nord-irlandais qui refusent le principe du maintien de l’Irlande du Nord au sein du marché unique. Parmi les travaillistes, certains se disent inquiets d’un no-deal, d’autres, eurosceptiques, se disent favorables à la sortie, d’autres encore, prônent un second référendum, mais une majorité semble bien décidée à voter contre “un mauvais deal”, ainsi que Corbyn l’a défini sur twitter mercredi, en sortant d’un meeting avec Theresa May (7).

S’il y a vote de défiance et si Theresa May devait y survivre, l’accord sera probablement rejeté par toutes les forces politiques lors du vote à la Chambre des Communes qui se tiendra au mois de décembre. “Have yourself a Merry Hard Brexit” pourrait devenir la mauvaise blague de ce Noël à Londres.

Perspectives :

  • Donald Tusk a annoncé un sommet européen le 25 novembre pour signer le projet d’accord.
  • Décembre : vote à la Chambre des Communes sur le projet d’accord.
  • La sortie politique du Royaume-Uni de l’UE est prévue le 29 mars 2019.

Sources :

  1. Brexit : Theresa May réconfortée par des soutiens de poids dans son gouvernement, AFP, 16 novembre 2018.
  2. CARR Harry, Majority of Brits now against Brexit and back second EU referendum, Sky News, 16 novembre 2018.
  3. European Commission, Withdrawal Agreement, 14 novembre 2018.
  4. Les défenseurs d’un second référendum se sentent pousser des ailes, L’Express, 15 novembre 2018.
  5. MARCHAND Vera, No backstop, no deal, La Lettre du Lundi, 7 octobre 2018.
  6. How does a leadership challenge work in the Conservative party ?, The Economist, 16 novembre 2018.
  7. Labour confident its Brexiters will vote against May’s deal, The Guardian, 14 novembre 2018.

Vera Marchand