Nanjing. La Chine rassemble ses pions, et fait converger leurs forces dans une partie d’échecs au long cours face aux États-Unis. Le China Electronics Technology Group Corporation No. 28 Research Institute a conclu dans son siège de la ville de Nanjing un accord déterminant pour l’avenir militaire et l’influence stratégique de la Chine. Face à son président Mao Yongqing se trouvait Yin Shiming, vice-président de la section cloud computing de la gigantesque entreprise internet privée chinoise Baidu, co-fondée et dirigée par Robin Li. Cet accord vise à une « fusion militaire-civil », voulue par le PCC et inscrite dans la Constitution en 2017. Yin Shiming a déclaré que les deux parties s’apprêtaient à « travailler main dans la main (…) et ainsi faire progresser l’application des technologies de nouvelle génération de l’IA dans le domaine de la défense » (1).

Alors que les provocations réciproques sino-américaines en mer de Chine méridionale par navires de guerre interposés sont régulièrement évoquées (4), les deux puissances ont conscience que l’avenir de leurs capacités militaires sera technologique. L’enjeu pour Pékin, qui demeure actuellement largement derrière son rival américain en termes de budget militaire – 151 milliards de dollars contre 647 milliards de dollars en 2018 (5) – est de prendre l’avantage au sein de cette nouvelle course.

L’intelligence artificielle constitue ainsi un secteur primordial pour Pékin, et le domaine de la défense fait partie des priorités officielles d’application selon le Plan de développement de la nouvelle génération de l’IA, présenté officiellement en juillet 2017 (3). Baidu, dont l’expertise de son PDG s’est en partie forgée au sein d’entreprises occidentales comme Dow Jones Company ou Apple, pourrait ainsi faire bénéficier de son expérience en la matière.

Le 8 octobre 2018 lors d’une intervention au Hudson Institute, Mike Pence a accusé la Chine de mener une politique de non-réciprocité et “d’organiser massivement le vol de technologies américaines, y compris  des plans militaires à la pointe de la technologie” (2). Le vice-président fait en partie référence aux conditions d’implantation des entreprises étrangères en Chine – comprenant systématiquement un transfert de connaissances technologiques – face à une ouverture économique américaine plus large aux investissements étrangers. Même si elle n’en est qu’à ses prémisses, la stratégie de fusion technologique militaire-civil chinoise inquiète grandement Washington, notamment dans l’utilisation possible de technologies originellement issues de la recherche américaine. Une technologie d’image destinée au domaine civil par exemple, comme les selfies, pourrait être utilisée dans le militaire dans un but de ciblage (1). Une frontière civil-militaire désormais floutée.

Perspectives :

  • 2018 : La Chine est le premier investisseur mondial dans le domaine de l’IA.
  • 2030 : Selon son plan de développement de la nouvelle génération de l’IA, la Chine ambitionne de devenir le leader mondial du secteur.

Sources :

  1. HILLE Kathrin et WATERS Richard, Washington unnerved by China’s “military-civil fusion” on AI, The Financial Times, 8 novembre 2018.
  2. Hudson Institute, Vice-president Mike Pence’s remarks on administration’s policy towards China, 4 octobre 2018.
  3. Institut de la gestion publique et du développement économique, Note réactive n°105, octobre 2018.
  4. LAGARDE Stéphane, Colère de Pékin après la manoeuvre d’un destroyer US en mer de Chine, RFI, 2 octobre 2018.
  5. US Governement, Global Firepower, 2018 military strenght ranking.

Jessy Périé