En bref – La réunion des ministres des Finances des vingt-huit États membres de l’Union, ce mardi 6 novembre, pour étudier le projet de taxation à 3 pour cent des revenus issus du numérique des grandes entreprises présentes dans le secteur, s’est conclue sur un profond désaccord entre ses membres. Les discussions ont essentiellement révélé des projets nationaux qui s’opposent et freinent le vote d’une loi au niveau européen.
Bruxelles. Le projet de la Commission européenne de taxer les revenus issus du web a essuyé de nombreux revers cette semaine parmi les États membres de l’Union, alors même que les réformes de cette nature requièrent un vote à l’unanimité. La réunion des ministres européens des Finances ce mardi 6 novembre s’est ainsi caractérisée par de nombreux refus et dissonances, à la grande déception de Bruno Le Maire, principal défenseur du projet, en harmonie avec la Commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, qu’il avait rencontrée le mardi 23 octobre à ce sujet (2). Présenté en mars 2018, le projet vise à imposer dès 2019 une taxe de 3 pour cent sur une partie des revenus des groupes présents dans le numérique et ayant une clientèle européenne, quel que soit leur pays d’origine. Généralement surnommée « taxe GAFA » car concernant en particulier Google, Amazon, Facebook et Apple – et ne s’appliquant qu’aux entreprises réalisant au moins 750 millions d’euros de chiffre d’affaires ou au moins 50 millions d’euros en Europe – elle toucherait pourtant potentiellement de nombreuses grandes entreprises, pas toujours américaines. Le 30 octobre, ce sont ainsi seize dirigeants d’entreprises européennes du numérique, à l’instar de Booking.com, Spotify ou Zalando, qui ont adressé une lettre aux vingt-huit ministres des Finances des États membres, les sommant de renoncer à cette taxe, qu’ils considèrent bien adaptée aux géants américains très lucratifs mais beaucoup moins aux spécificités des firmes européennes, et en laquelle ils voient un frein à l’innovation et à la croissance (4). Outre ces critiques émanant du monde industriel, le projet européen a souffert ce mardi de l’affirmation des ambitions nationales. Le couple franco-allemand a d’abord été marqué par un net désaccord. L’Allemagne, qui a toujours été attachée à la mise en œuvre d’une taxe au niveau mondial (par le biais de l’O.C.D.E. notamment), et non européen, a considéré que le projet était prématuré et qu’il fallait attendre 2020 pour qu’il soit mis en application, ce que la France lui a finalement consenti (3). L’Allemagne est également préoccupée de ce que le projet de loi pénalise des entreprises allemandes présentes dans le numérique. Le projet ne récolte pas non plus les suffrages d’autres États bien avancés sur la question (1). Ainsi, l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Autriche et l’Italie, refroidis par la lenteur du vote de la loi dans l’Union, ont annoncé qu’ils feraient voter des projets par leurs Parlements nationaux dès cette année, faute de régulation à l’échelon européen, attirant par là même les inquiétudes de Bruno Le Maire sur la fragilisation de l’intégrité du marché unique. De plus, le Danemark a révélé ses craintes que le projet de loi ne se traduise par des représailles américaines. Enfin, l’Irlande, qui héberge plusieurs sièges sociaux européens de ces géants (de même que Malte), a critiqué le fait que cette loi soit fondée sur la localisation des consommateurs plutôt que sur le lieu de production (elle concerne les entreprises qui ont des clients en Europe), ainsi que l’éventuelle baisse de revenus en Irlande. La fiscalité du numérique est donc un témoignage flagrant des fortes oppositions qui parcourent l’Union sur la question. |
Perspectives :
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Sources :
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Olivier Lenoir |
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que de se focaliser sur l’affaiblissement des États-nations. Il faut parler du