Cambodge. Le secteur du textile cambodgien retient son souffle. Le 5 octobre dernier, la commissaire européenne chargée du commerce Cecilia Malmström s’est inquiétée de constater des « développements très troublants avec une nette détérioration des droits de l’Homme et des droits du travail, sans amélioration probante en vue » au Cambodge (2). Ce dernier pourrait ainsi voir son régime tarifaire préférentiel pour ses exportations vers l’Europe, « Everything but arms », supprimé. 40 pour cent des biens cambodgiens sont exportés vers l’Union, et cette dernière constitue le plus large marché du domaine textile du pays (1). Ce secteur est donc particulièrement inquiet. Cependant, la commissaire a précisé que cette mesure serait prise en dernier recours.

Le gouvernement de Hun Sen, réélu en juillet 2018 après une campagne brutale envers l’opposition et la presse, n’a en effet pas montré de quelconque volonté démocratique. Les travailleurs du secteur textile font partie de ceux qui osent contester le pouvoir, en témoigne le nombre de manifestations grandissant depuis 2013. Un électorat de 740 000 ouvriers qui avait aidé l’opposition à prendre de l’importance jusqu’à menacer la domination indiscutable du PPC dans le paysage politique et à la tête du pays (3).

« Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises en tant que commissaire au commerce, notre politique commerciale européenne doit être guidée par nos valeurs », a déclaré Cecilia Malmström. La puissance normative de l’Europe s’exprime ici, demeurant en effet le principal levier d’influence pour l’Union actuellement, dans un contexte de resserrement accru des liens avec l’Asie orientale – les accords de libre-échange avec les pays de la zone se sont multipliés. L’intérêt est de démontrer, côté européen, l’existence effective de cette puissance et de gagner en influence.

D’un point de vue extérieur, le rapport de force est à l’avantage de l’Union. Des grandes entreprises du textile – Nike, Adidas, H&M… – ont déclaré qu’en cas de refus du gouvernement de Hun Sen d’adopter une ligne plus souple en termes de libertés, elles pourraient tout à fait transférer leur production dans des pays voisins, comme au Vietnam où un récent accord de libre-échange a été signé avec l’Europe (2). D’un point de vue interne, Hun Sen devra mesurer avec prudence l’impact qu’aurait une telle décision sur l’économie. La part de la population qui dépend de ce secteur est trois fois supérieure au seul nombre d’ouvriers (2), et une crise sociale pourrait en découler.

Perspectives :

  • 2020 : date à partir de laquelle le retrait du régime préférentiel pourrait être effectif, s’il était acté, au vu du lourd processus à suivre.

Sources :

  1. EU threatens the mainstay of Cambodia’s economy, The Economist, 3 novembre 2018.
  2. MALMSTRÖM Cecilia, On Myanmar and Cambodia, European Commission, 5 octobre 2018.
  3. PÉRIÉ Jessy, Hun Sen, encore ?, Le grand continent, 25 février 2018.

Jessy Périé