New York. Depuis lundi dernier, et pour quatre mois, New York se trouve en état d’alerte maximale suite à l’ouverture du procès de El Chapo, qui fait face à onze chefs d’accusation, mais plaide innocent. Détenu à l’isolement 23 heures sur 24, Guzmán est accusé d’avoir expédié, à la tête du cartel de Sinaloa, plus de 154 tonnes de cocaïne vers les États-Unis, ainsi que d’énormes quantités de marijuana, d’héroïne et de méthamphétamine, et de s’être vu impliqué dans un grand nombre de meurtres liés à ces activités. Après avoir été repoussé plusieurs fois, “le procès du siècle” a débuté avec l’élection de douze jurés, dont l’identité sera gardée secrète et qui seront protégés à tout moment. Le Brooklyn Bridge sera fermé deux fois par jour pour permettre les déplacements de Guzmán, qui sera suivi par des hélicoptères. Cependant, le lien entre l’Amérique latine et la drogue est plus large.

S’il y a quarante ans, l’essentiel des importations de la mafia venait d’Europe, de Sicile ou de Turquie, aujourd’hui c’est l’Amérique (et notamment la région andine) qui concentre le plus haut niveau de production et de consommation de cocaïne, d’après le World Drug Report 2018 de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC). La fabrication d’alcaloïde en Colombie a atteint 866 tonnes en 2016, ce qui représente une augmentation de plus d’un tiers par rapport à 2014. Cette même année, près de 69 pour cent des 213 000 hectares consacrés à la culture de la coca dans le monde se trouvaient en Colombie. L’ONU a récemment averti que le marché mondial de la drogue avait atteint des sommets sans précédent, concluant dans son rapport que « les types et combinaisons de drogues possibles pour les consommateurs n’ont jamais été aussi vastes ».

Alors que les principaux producteurs de cannabis de la région sont le Mexique, la Bolivie, la Colombie et le Paraguay, l’Amérique centrale et les Caraïbes apparaissent comme des espaces clefs dans la route de la drogue, dont la destination finale sont surtout les pays les plus riches de la région. En Amérique centrale, la question du trafic est devenu depuis un certain nombre d’années la clef de voûte d’un enchaînement de violences où s’articulent la lutte pour le pouvoir politique, la déstructuration de l’économie et les fractures sociales. Historiquement, les États-Unis, qui sont pourtant les premiers consommateurs de drogue, ont dicté aux pays latino-américains des politiques antidrogue régionales, axées sur l’interdiction de la production et de la consommation, l’obstruction des flux de transit et la militarisation du maintien de l’ordre. Nonobstant, comme on le voit toujours aujourd’hui, ces politiques frontales ont eu tendance à engendrer une escalade de la violence dans les sociétés où elles ont été mises en place. Violence qui, finalement, fait des populations les plus démunies les premières victimes.

Perspectives :

  • Le procès du Chapo connaît de forts retentissements en ce qu’il marque – comme la mort de Pablo Escobar en 1993 – la défaite d’un célèbre narcotrafiquant, d’une figure fortement médiatisée et qu’il est présenté comme un triomphe de la loi. Mais le parallèle avec le cas du chef du cartel de Medellín peut suggérer une autre réflexion : on a beau neutraliser une organisation, arrêter un planteur, ou même abattre un chef, le narcotrafic ne disparaît pas, et les trafiquants réapparaissent toujours.
  • Avec l’élection d’Iván Duque, la gestion du problème de la drogue en Colombie semble aller davantage dans le sens d’une politique prohibitive : début octobre, le nouveau président a signé un décret contre la “dose minimale”, un critère juridique qui autorisait aux citoyens le port de vingt grammes de marijuana et d’un gramme de cocaïne.

Sources :

  1. El juicio de El Chapo : de qué se acusa exactamente a Joaquín Guzmán y por qué se le juzga en EE.UU. y no en México, BBC Mundo, 05 novembre 2018.
  2. LISSARDY, Gerardo, 4 desafíos gigantes que presenta en Estados Unidos el juicio a Joaquín “El Chapo” Guzmán tras ser extraditado a México, BBC Mundo, 04 avril 2017.
  3. MARS, Amanda, “La mafia perdió el negocio de la heroína por los colombianos y los dominicanos”, El País, 11 novembre 2017.
  4. SALIBA, Frédéric, “El Chapo”, prince déchu des trafiquants de drogue mexicains, Le Monde, 04 novembre 2018.
  5. World Drug Report 2018, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2018.

Francisca Corona Ravest