Bujumbura. Le 25 octobre, l’Union a renouvelé son paquet de sanctions contre le régime de Nkurunziza au Burundi, dont le but est d’affaiblir le président burundais, nommé « chef suprême » par le parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie (Cndd). Nkurunziza, président depuis 2005, a également élaboré une réforme constitutionnelle, approuvée par référendum en mai 2018, pour supprimer les limites du mandat présidentiel, lui permettant de rester au pouvoir durant les 15 années qui ont suivies. Les sanctions, appliquées depuis 2016, suite à la situation de violence latente que connaît le pays depuis 2015, concernent principalement la rupture des relations avec de nombreuses personnalités importantes du pays (3). Dans le dernier paquet approuvé, l’Union a interdit toute relation avec le chef du renseignement burundais. Malgré l’accent mis sur la situation intérieure du pays, ces sanctions ont eu un impact négatif sur la principale source de légitimité internationale du Burundi : les troupes de maintien de la paix (1).

Après la tentative de coup d’État de mai 2015, Pierre Nkurunziza a redéfini les rapports de pouvoir en suivant une dynamique de répression et de cooptation. Les deux cas les plus célèbres sont celui de Godefroid Niyombare, ancien général de l’armée, dont le sort n’a jamais été élucidé, et celui d’Agathon Rwasa, « l’homme de la renaissance » de l’opposition, qui a rejoint le parti de Nkurunziza et est devenu président du Parlement. Parallèlement à ces cas, depuis 2015, des millions de personnes ont fui le pays pour trouver refuge dans les zones environnantes (4). Aujourd’hui encore, la dynamique et les motivations de la tentative de coup d’État n’ont jamais été clarifiées, mais il existe un risque de plus en plus concret de guerre civile sur une base ethnique. Nkurunziza a essayé d’intensifier les relations avec les cadres de l’armée, en renforçant la classe militaire par rapport à la population civile. Cela a déclenché, d’une part, la militarisation du débat public et, d’autre part, un engagement plus fort de l’armée nationale dans les opérations multilatérales de maintien de la paix. Cette dernière tendance était déjà présente auparavant : les accords d’Arusha de 2000, insérés dans la constitution nationale, ont créé une polarisation politique et sociale dans laquelle l’armée occupe une place centrale dans l’équilibre ethnique (1). Le maintien de la paix, utilisé par de nombreux pays en développement pour atténuer l’opposition au sein des forces armées, a servi de tremplin pour développer deux caractéristiques de l’armée : la capacité d’agir avec souplesse avec d’autres pays et l’internationalisation des capacités opérationnelles (2). Ceci, favorisé par un important flux d’argent en provenance des pays européens (la France surtout), a incité Bujumbura à intervenir au sein de la mission Amisom en Somalie, jusqu’aux sanctions de 2016 (2).

Pour un pays comme le Burundi, dont le poids géopolitique est secondaire dans la région, le multilatéralisme reste le principal canal de légitimité. L’expérience du conflit civil de 1993-2005 a créé une génération de soldats capables de faire face à des situations d’asymétrie militaire et de de forces non-conformistes sur le terrain. C’est sur cette base que s’est développée une capacité opérationnelle axée sur quelques contextes forgés par les investissements étrangers et sur une réorganisation des forces armées (2). En 2015-2016, avant les sanctions de l’Union, le Burundi pouvait compter sur une armée relativement modeste, dotée d’un budget limité, mais avec une participation discrète de la police et du personnel militaire dans certaines missions de l’Onu, ce qui en faisait le 20ème contributeur mondial à l’Onu et l’un des principaux de l’Union africaine, participant à la mission Amisom en Somalie avec plus de 5400 soldats (5). Les sanctions de l’Union n’ont pris effet qu’à long terme, entraînant une réduction du fonds d’aide pour le maintien des troupes à Mogadiscio et leur retrait partiel. La tentation d’attaquer Nkurunziza sur un front central pour la diplomatie burundaise a toujours été présente, mais ce n’est que maintenant qu’elle semble avoir atteint son objectif : outre la politique de Bruxelles, le motif de préoccupation reste l’expiration imminente du mandat de l’Amisom, prévue pour l’année prochaine. L’Union africaine travaille actuellement à la formation des forces armées somaliennes pour les préparer à la transition et au déclenchement de la guerre dans les régions du sud. L’avenir du maintien de la paix à Bujumbura est à définir (4).

Perspectives :

  • 31 mai 2019 : expiration du mandat de la mission Amisom en Somalie. L’Union africaine, qui travaille actuellement à la transition vers les forces armées somaliennes, a fixé au 28 février 2019 l’échéance d’une première réduction importante des effectifs.
  • 31 octobre 2019 : expiration des sanctions de l’Union contre le Burundi.

Sources :

  1. AMBROSETTI David, BIRANTAMIJE Gérard, WILEN Nina, Sending peacekeeping abroad, sharing power at home : Burundi in Somalia, Journal of East African Studies, 2015.
  2. BIRANTAMIJE Gérard, WILEN Nina, L’engagement du Burundi et du Rwanda dans les opération de mantien de la paix : quels les benefices pour les capacités nationales de défense ? Etude Comparée, Ministère de la Défense, juillet 2015.
  3. Conseil de l’UE, Burundi : EU renews sanctions until 31st October 2019,Press Release, octobre 2018.
  4. HAVYARIMANA Moses, EU extends sanctions on Burundi officials, The East African, octobre 2018.
  5. Providingforpeacekeeping.org, Contributor Profile : Burundi, octobre 2016.

Alessandro Rosa