En bref – Quelques jours après la publication du dernier rapport du Groupement d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC), le charbon est de nouveau pointé du doigt pour le CO2 qu’il émet. Cependant, abondant et encore peu cher, il est largement répandu dans les pays les plus énergivores.

Genève. Lundi dernier, l’IPCC (United Nations’ Intergovernmental Panel on Climate Change) a publié son dernier rapport, mettant en lumière l’impératif de réduction des effets de serre à zéro d’ici à 2050 afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Le charbon était tout particulièrement cité par le rapport. Utilisé pour générer de l’électricité, il représente en effet 45 % des émissions de CO2 résultant de la combustion d’énergie (3). En dépit des efforts diplomatiques entrepris depuis la première Conférence des Parties (COP) à Rio de Janeiro en 1995, le charbon est toujours la première source d’énergie employée pour produire de l’électricité, à près de 40 pour cent (3). Plus encore, la part du charbon dans les mix énergétiques nationaux a considérablement augmenté dans certaines régions du monde en forte croissance, comme l’Asie du sud-est, alors qu’elle a diminué dans les économies plus matures comme l’Europe et la plupart de la zone OCDE. De 92 millions de tonnes équivalent pétrole (mtep) en 1992, la production de charbon est passée à près de 4000 mtep en 2017, soutenue par une urbanisation rapide, le développement d’activités économiques et industrielles énergivores et le développement d’équipements domestiques modernes comme le chauffage et l’électroménager, requérant une hausse proportionnelle des moyens de production d’électricité. En 2017, la Chine concentrait par exemple 50 pour cent de la consommation mondiale de charbon, devant l’Inde (11.4 pour cent) et les États-Unis (8,9 pour cent) (2).

Parce qu’il est peu cher et abondant dans des régions où la croissance économique et démographique est rapide, le charbon demeure une énergie attractive à l’échelle mondiale. L’Europe n’est pas épargnée par cette problématique, comme en témoignent ses deux pays les plus consommateurs de charbon, l’Allemagne et la Pologne. Selon l’Agence internationale de l’Energie (AIE), près d’un quart de l’électricité produite en Allemagne proviendrait du lignite, une variété de charbon particulièrement polluante (5) ; les réserves allemandes sont assez importantes pour permettre au pays d’être le premier extracteur et consommateur de lignite au monde. La fermeture de centrales nucléaires après la catastrophe de Fukushima en 2011 et le développement rapide d’énergies renouvelables intermittentes, comme le solaire et l’éolien, ont rebattu les cartes du paysage énergétique allemand : la prédominance du charbon dans la production nationale d’électricité demeure cependant en grande partie responsable des émissions de gaz à effet de serre très élevées en Allemagne, de loin le premier émetteur européen (4). Les injonctions de l’IPCC à réduire, voire à éliminer le charbon des mix électriques nationaux sont d’autant plus difficiles à accepter dans des pays comme l’Allemagne, la Pologne ou l’Australie, où le niveau de chômage est un indicateur de santé économique crucial et un point d’achoppement politique réel. Dans certaines régions minières Est-allemandes et polonaises, les bassins d’emploi déjà précaires redoutent de voir leur niveau de vie décroître encore davantage (6).

Entre impératifs climatiques et priorités politiques, l’avenir du charbon à long terme demeure néanmoins incertain. Le charbon a en effet connu quelques années difficiles : entre 2015 et 2017, le rythme de complétion de nouvelles centrales à charbon a diminué de près de 40 pour cent dans le monde (7), après plusieurs années de hausse du nombre de projets de nouvelles infrastructures. À court terme, en revanche, la nécessité de répondre à la hausse de la croissance économique et démographique mondiale et l’accroissement des classes moyennes en Asie suppose une constante augmentation des moyens de production d’électricité au moindre coût, ce qui favorise encore pour l’instant le charbon. Dans une vision plus large du développement technologique, l’émergence à échelle industrielle et la multiplication des investissements dans des solutions de stockage d’électricité pourraient remédier au problème de l’intermittence des énergies renouvelables, comme le solaire et l’éolien, en permettant de stocker l’électricité produite et de la réinjecter sur le réseau en période de pic de demande (3). Quant à l’Europe, le développement du stockage associé à la mise en place d’une fiscalité plus contraignante sur les émissions de CO2 pourraient permettre à l’Allemagne et à la Pologne de renoncer plus rapidement à leur lignite. Si l’avenir du charbon réside donc essentiellement dans les pays en développement, la question de la durabilité de cet avenir se pose surtout en termes macroéconomiques : quels investissements pour ses substituts ; quel signal prix sur le marché ; quelle fiscalité écologique à l’échelle nationale ?

Perspectives :

  • Rendez-vous à suivre : la COP24 à Katowice, en Pologne, du 3 au 14 décembre 2018.

Sources :

  1. Bain&Company, How Utilities Can Win the Energy Storage Revolution, 30 juillet 2018.
  2. BP Statistical Review of World Energy, BP, juin 2018.
  3. Connaissance des Énergies, Les chiffres clés de l’énergie dans le monde, 26 septembre 2017.
  4. European Parliament, Greenhouse gas emissions by country and sector (infographic), 07 mars 2018.
  5. International Energy Agency, IEA Statistics
  6. Why ‘Green’ Germany Remains Addicted to Coal, New York Times, 10 octobre 2018.
  7. The number of new coal plants worldwide is shrinking, but not nearly fast enough, Quartz, 22 mars 2018.

Clémence Pèlegrin