Ljubljana. Après avoir obtenu l’aval du Parlement et nommé ses secrétaires d’État, le gouvernement slovène est au complet. Avec 43 voix sur 90 au Državni zbor, la nouvelle coalition de centre-gauche rassemble cinq partis, davantage séparés par les ambitions personnelles de leurs dirigeants que par des divergences idéologiques. Malgré la continuité qui s’annonce pour la posture européenne de la Slovénie, experts et praticiens appellent de leurs vœux à un repositionnement stratégique du pays (4).

Le Premier Ministre slovène, Marjan Šarec, ancien journaliste et imitateur peu rompu aux rouages du pouvoir, entame son mandat sans expérience européenne. À l’inverse, son prédécesseur et désormais ministre des Affaires étrangères, Miro Cerar, compte bien poursuivre à Bruxelles et Ljubljana les grandes lignes de la politique étrangère, traditionnellement atlantiste et pro-européenne, qu’il a menée entre 2014 et 2018 (2). Or, cette dernière, généraliste, manque d’intérêts nationaux clairement définis et le pays demeure peu audible à Bruxelles comme dans les chancelleries européennes.

Depuis quatre ans, la Slovénie a accumulé de nombreuses défaites diplomatiques : en 2016, son champion Danilo Türk a échoué à devenir Secrétaire général des Nations Unies. En 2017, après avoir perdu une bataille juridique avec la Croatie sur l’appellation contrôlée de l’un de ses cépages, Ljubljana a gagné gain de cause sur sa frontière maritime au terme d’un différend vieux de 25 ans, mais elle s’est heurtée, impuissante, à l’intransigeance de Zagreb. Entre 2012 et 2018, la diplomatie slovène a été dirigée par un russophile notoire dont le mandat n’a pas suscité de progrès majeurs (1).

La Slovénie passe néanmoins en Europe pour un pays sérieux, qui a su se remettre rapidement d’une violente crise financière et budgétaire en 2012-2014. Elle est de surcroît en pointe sur plusieurs dossiers : économie circulaire, énergie et environnement, Balkans occidentaux. Entourée par quatre États en proie au populisme, Ljubljana a toujours souhaité rester proche du “noyau dur” de l’Union, tout en oscillant entre les grands ensembles – méditerranéen, germanique, balkanique, centre-européen – qui l’entourent : c’est maintenant vers la France et l’Allemagne que le pays regarde, et avec elles, une influence renforcée en Europe (3).

Perspectives :

  • Le gouvernement est aujourd’hui confronté à des luttes d’influences internes et à une inertie administrative qui retardent son décollage économique. Sur le plan international, de nombreux dossiers l’attendent, notamment la restauration de relations bilatérales fortes avec les États-Unis, la résolution du contentieux avec la Croatie sur la baie de Piran, qui a également envenimé ses relations avec Bruxelles, et la poursuite de sa réflexion sur les priorités stratégiques du pays.
  • Les prochaines rencontres du Conseil européen seront cruciales pour que Marjan Šarec se construise une crédibilité internationale et fasse valoir l’expertise de la Slovénie sur des dossiers-clés. La première d’entre elles sera le Conseil du 18 octobre. La rencontre à venir entre Šarec et son homologue croate Andrej Plenković est également à surveiller pour estimer les nouveaux rapports de force entre les deux anciennes républiques yougoslaves.
  • La Slovénie acquerra la présidence du Conseil de l’Union e le 1er juillet 2021, une occasion unique pour Ljubljana de façonner son image et d’imprimer son empreinte dans la politique européenne. Une date déjà très proche, sachant que la Slovénie n’a pas encore véritablement entamé les recrutements et préparations institutionnelles nécessaires à cette prise de responsabilité, particulièrement exigeante pour un petit État. Alors que le populisme et le souverainisme gagnent en puissance en Europe centrale, les tendances actuelles pourraient paradoxalement conférer une crédibilité accrue au pays, qui a toujours souhaité jouer le jeu européen.

Sources :

  1. Golfe de Piran : la Croatie passe à l’offensive, la Slovénie menace de représailles, Le Courrier des Balkans, 2017.
  2. PENGOV BITENC Aljaž, Life Imitating Art Imitating Life, Pengovsky, 2018.
  3. VIDMAJER Saša, Kontinuiteta in diskontinuiteta, Delo, 2018.
  4. ZAVRŠNIK Gašper, Kakšne so evropske karte Marjana Šarca ? Delo, 2018.