Bruxelles. Il y a un peu plus de deux semaines, Shahin Vallée donnait pour la Lettre du Dimanche une lecture enthousiaste du dernier livre d’Adam Tooze (2). À l’occasion du dixième anniversaire de la chute de Lehman Brothers, l’historien britannique a donné un compte rendu sidérant d’une crise qui n’est pas encore passée et qui a durement frappé l’Europe.

L’histoire de ces dix dernières années est lentement en train de s’écrire. Au cœur de celle-ci, le fait que certains états aient mieux résisté à la crise a des conséquences politiques. Angela Merkel par exemple restera celle qui a su guider l’Allemagne au delà de la crise. A ce sujet, un groupe d’économistes du Centre de Recherche de la Commission Européenne (JRC) a étudié la “résilience” des Ètats européens à la crise de 2008 (1).

L’originalité de leur approche est qu’elle se base sur un indicateur agrégé de 34 variables socio-économiques au niveau des États européens telles que le PIB mais aussi le niveau de confiance des ménages, leur revenu, le taux d’activité, l’investissement R&D, etc. Ils ne mesurent donc pas uniquement l’impact purement économique de la crise.

Les auteurs distinguent 3 types de résilience :

  • Absorption du choc : écart de performance entre 2007 et la pire période de 2008-2016.
  • Redressement : écart de performance entre 2017 et la pire période de 2008-2016.
  • Moyen terme : écart de performance entre 2017 et 2007.

Ces écarts sont standardisés afin d’être comparables par pays. Cette comparaison donne plusieurs informations intéressantes sur l’impact de la crise parmi les États européens. D’abord, il a été très inégal : la Bulgarie, la Pologne et l’Allemagne ont très bien résisté tandis que la Grèce, Chypre et l’Italie sont loin derrière.

Ensuite, certains pays initialement durement touchés par la crise comme l’Irlande ou la Lituanie ont pu s’en sortir. À l’inverse, si l’Italie ou l’Espagne ont relativement bien absorbé le choc de la crise, ces deux pays ont moins bien réussi que leurs voisins à se redresser après que le pire est passé.

Enfin, d’après les données les plus récentes, seuls 13 pays ont dépassé aujourd’hui le niveau de l’indicateur agrégé d’avant crise. Les plaies de 2008 ne sont pas refermées.

Pour en savoir plus, il va falloir lire le rapport du JRC. On peut regretter tout de même le choix ad-hoc des indicateurs ainsi que l’absence d’information sur la résilience de l’Union en tant que telle par rapport à ses concurrents mondiaux. L’histoire de la crise de 2008 devrait peut-être se raconter au niveau des grandes zones économiques plutôt que des États.

Perspectives :

  • La résistance des états européens à la crise a été très inégale.
  • À l’exception du cas grec, les États les plus en difficulté aujourd’hui ne sont pas ceux qui ont le moins bien absorbé le choc de la crise mais ceux qui n’ont pas réussi à se redresser ensuite.
  • À peine la moitié des États européens se sont totalement remis de la crise dix ans après.

Sources :

  1. ALESSI Luca, BENCZUR Peter, CAMPOLONGO Francesca, CARIBONI Jessica, MANCA Anna Rita, MENYHERT Balint and Pagano Andrea, The resilience of EU Member States to the financial and economic crisis. What are the characteristics of resilient behavior ?, JRC Science for Policy Report, JRC111606, 2018.
  2. TOOZE Adam, Crashed : How a decade of financial crises changed the world, Viking, 2018.