Beni. Selon certains témoins, la ville de Beni, dans la province du Nord-Kivu, a été attaquée par des commandos armés, affiliés à la milice d’origine ougandaise des Forces démocratiques alliées (Adf), faisant 16 morts, dont 12 civils (2). Si les rumeurs se confirment, il s’agirait d’une nouvelle attaque qui vient s’ajouter à celles menées par ce mouvement paramilitaire au cours des quatre dernières années dans les territoires frontaliers entre la Rd Congo et l’Ouganda. Pour contrer cette menace commune, Kampala et Kinshasa ont défini un cadre opérationnel commun, visant également à compenser l’inefficacité des troupes de l’Onu, sous la mission Monusco, souvent victimes de l’action de l’Adf (3). Tout cela fait partie du processus de construction de l’État congolais, qui culminera avec les élections présidentielles, prévues pour le 23 décembre 2018.

Formé dans les années 1980, immédiatement après la guerre civile ougandaise, l’Adf est le résultat d’une série d’alliances de milices locales à cheval sur la Première et la Seconde Guerres mondiales au Congo. Fonctionnant sous l’égide de l’ancien président zaïrois Mobutu, l’Adf a pu compter sur une contribution politique et logistique constante de Kinshasa, jusqu’en 1997, année de la chute du régime mobutiste (5). Actuellement située entre les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, cette milice est technologiquement et stratégiquement plus avancée que celles présentes dans les zones congolaises des Grands Lacs (Ituri, Nord et Sud-Kivu) (1). Soulignant son origine islamiste, les médias ont tendance à sous-estimer la volatilité des réseaux sur lesquels repose l’action de l’Adf. C’est actuellement une formation qui utilise le territoire congolais pour faire pression sur le régime de Yoweri Museveni en Ouganda. Ce processus de pression militaire est favorisé par deux dynamiques : la présence d’autres milices anti-musulmannnes (par exemple, l’ancienne Lra dans les régions du nord de l’Ouganda et le Mouvement Ruwenzuru, dans les régions occidentales) et la fragilité de l’État de Kinshasa, dont la souveraineté sur le Kivu et l’Ituri est très limitée. La tentative des forces armées congolaises de contrer les milices présentes dans les provinces de l’Est s’accompagne d’une tentative de rétablir un paradigme étatique crédible dans la région. Cela a conduit à la définition d’un programme militaire conjoint Kinshasa-Kampala contre l’Adf, inauguré en décembre 2017, suite au meurtre par des miliciens de 15 soldats tanzaniens, opérant sous l’égide de la mission Monusco de l’Onu (3).

La mission multidimensionnelle Monusco, opérationnelle depuis 2010, a fait l’objet de vives critiques de la part des diplomates régionaux pour son inefficacité en termes de stabilisation, de désarmement et de pacification des zones sud et nord-est de la République démocratique du Congo. L’attaque de décembre 2017 contre l’un de ses contingents reflète la fragilité du projet militaire et politique dans un contexte nébuleux de milices et d’affiliations (1). La réaction de la République démocratique du Congo et de l’Ouganda a été limitée dans l’espace et dans le temps, n’affectant pas les canaux de recrutement et ne rétablissant pas la sécurité dans les villes de Beni et Bunia (cette-dernière étant en Ituri), où l’Adf est concentré. Actuellement, la question essentielle est la présence de nouveaux acteurs non étatiques extérieurs qui peuvent agir comme fauteurs de troubles, ainsi qu’un certain nombre d’autres questions en suspens : la difficulté d’identifier la direction du groupe, qui est, selon de nombreux experts, une milice sans tête ni hiérarchie, et le poids des réfugiés du Sud-Soudan et de la République centrafricaine dans le processus de recrutement et d’affiliation des nouveaux miliciens (5). Un défi pour l’avenir du bâtiment de l’Etat congolais, ainsi que le rôle des Nations Unies, compte tenu notamment de l’invitation du président congolais Kabila de redimensionner et de retirer la mission, après les élections présidentielles de décembre. En effet, à l’Assemblée générale des Nations unies, Kabila a essayé d’assurer à ceux qui étaient présents des élections justes et démocratiques, qui formeraient le début du processus de rétablissement de la souveraineté congolaise dans les provinces orientales (4).

Perspectives :

  • 23 décembre 2018 : date fixée pour les élections présidentielles en République démocratique du Congo

Sources :

  1. International Crisis Group, Congo : four priorities for sustainable peace in Ituri, Africa Report n°140, 13 mai 2008.
  2. JeuneAfrique, RDC : au moins 16 morts à Beni dans una attaque attribuée aux rebelles ougandais, 23 septembre 2018.
  3. MAHAMBA Fiston, Congo and Uganda to launch joint operation against rebel ADF, Reuters, 20 decembre 2017.
  4. At the U.N. Kabila vows ‘peaceful, credible’ elections, TelevisionAfrica.com, 26 septembre 2018.
  5. TITECA Kristof, The many faces of a rebel group : the Allied Democratic Forces in the Democratic Republic of the Congo, International Affairs, septembre 2016.