Rome. La visite de Sebastian Kurz à son homologue italien Giuseppe Conte s’est achevée au terme d’une mini-tournée des capitales européennes, organisée par le jeune leader pour préparer le terrain en vue du rendez-vous tant attendu dans la ville de Mozart. L’unité d’intention manifestée par les deux premiers ministres du Palazzo Chigi ne pouvait masquer la tension latente sur la question de la double nationalité pour les habitants germanophones du Tyrol du Sud (6). Un projet que Vienne déclare vouloir poursuivre sans fuite en avant et de concert avec l’Italie (1), mais que le ministère des affaires étrangères, dirigé par l’expert Enzo Moavero Milanesi, ne manque pas l’occasion de censurer avec une dureté inhabituelle. Le projet autrichien fut en effet qualifié de « revanchisme anachronique », à la veille des élections provinciales (prévues pour le 21 octobre prochain) et du centenaire de la Première Guerre mondiale (7). L’irritation du ministre est si forte que le ministère a précisé dans la même note son intention de ne pas se rendre à Vienne pour un entretien bilatéral avec sa collègue Karin Kneissl.
Les tensions sur le thème du Tyrol du Sud ont également explosé à Bolzano, où le choix de Kurz d’organiser une réunion pour le parti germanophone du Parti populaire sud-tyorlien (SVP) a provoqué la colère des partis de droite italophones (1). La Lega Nord de Matteo Salvini, au contraire, pourrait pour la première fois décider d’entrer dans la majorité menée par le SVP au niveau provincial (3). Un choix sans précédent : dans le passé, le Parti démocrate était l’interlocuteur privilégié des autonomistes.
Pendant ce temps, à Vienne, le prédécesseur de Kurz à la Chancellerie, Christian Kern, a renoncé à la direction de son parti pour viser une candidature social-démocrate pour le prochain président de la Commission européenne. Une annonce faite le même jour et dans la même ville, Salzbourg, où la star de l’ancien challenger n’a pas brillé, lors d’un sommet qui a trahi les attentes de la veille sur les deux dossiers fondamentaux de Brexit et de l’immigration (5).
Perspectives :
- La visite du Chancelier à Rome s’inscrivait dans le cadre d’un processus minutieux de préparation du Sommet de Salzbourg, dont les résultats ont été bien en deçà des attentes. Il est probable que la question du Tyrol du Sud s’imposera de nouveau aux deux ministres des Affaires étrangères, tandis que Kurz se concentrera encore plus sur la nécessité de laisser sa marque sur le semestre de la présidence européenne, sur lequel il a beaucoup misé.
- Les relations très cordiales entre le SVP et le Parti Populaire de Kurz ne sont pas nouvelles. L’approche la plus intéressante est celle de la Ligue de Matteo Salvini, qui a déplacé son centre de gravité de l’autonomisme d’origine à un nationalisme moderne. Cela pourrait avoir des répercussions en termes de dialogue avec le gouvernement à Rome et de compétitivité, en cas de comparution rendue obligatoire par la loi électorale, lors des prochaines élections européennes (4).
- Kern, et son prédécesseur Werner Faymann, ont longtemps été l’emblème d’une social-démocratie qui semblait résister à l’avancée de la droite au niveau européen. Il sera intéressant de comprendre comment le modèle autrichien, battu en pratique par Kurz et son allié Strache à Vienne, peut être exporté à Bruxelles.
Sources :
- Comunicato stampa del consigliere provinciale Alessandro Urzì, 14 septembre 2018.
- Kurz : doppio passaporto solo con Roma, Ansa, 14 septembre 2018
- GIARELLI Lorenzo, Adesso Salvini parla tedesco, Il Fatto Quotidiano, 7 septembre 2018.
- GONZATO Francesca, Svp-Lega, sirene anche sulle europee, Alto Adige, 12 août 2018.
- HERSZENHORN David M., BARIGAZZI Jacopo, Rocky mountain summit, Politico Europe, 20 septembre 2018.
- Kurz in Rom : Einklang bei Migration, Divergenzen bei Doppelpass, Kurier, 18 septembre 2018.
- Comunicato stampa del Ministero degli Esteri italiano, 17 septembre 2018.