Berlin. Peu de hauts fonctionnaires allemands sont plus connus que certains ministres. C’est cependant certainement le cas de Heinz-Georg Maaßen, le président du Bundesamt für Verfassungsschutz (office fédéral de protection de la Constitution). Cette administration intégrée au Ministère de l’intérieur remplit des missions de contre-espionnage et de surveillance intérieure, observant notamment les activités contraires à la loi fondamentale allemande. Elle pratique donc le renseignement sur les mouvements fondamentalistes religieux (salafistes, djihadistes) et terroristes d’extrême gauche ou d’extrême droite. Depuis la fondation du service en 1950, plusieurs polémiques ont émaillé l’histoire du BfV, concernant notamment le rôle exact d’agents infiltrés au sein des groupuscules néonazis. Le précédent président Heinz Fromm avait dû démissionner en 2012 à cause de négligences de ses services dans l’affaire des meurtres de la NSU (1).

Les deux dernières affaires en date concernent le président du “Verfassungsschutz” depuis 2012, Hans-Georg Maaßen, juriste de formation, qui a été accusé d’avoir conseillé l’ex-dirigeante de l’AfD, Frauke Petry, sur la meilleure manière pour le parti d’échapper à la surveillance de ses propres services (2). Il aurait également rencontré à plusieurs reprises des députés du parti d’extrême-droite. Maaßen a récemment affirmé dans une interview au tabloïd “Bild”, que les vidéos des émeutes de Chemnitz ne représentaient pas la “chasse à l’homme” condamnée par la chancelière elle-même, sans appuyer sa déclaration sur des faits. En contredisant le gouvernement, Maaßen a déclenché une nouvelle crise entre son ministre de tutelle Horst Seehofer (CSU), qui estime qu’il doit rester à son poste pour ses “services rendus à la république fédérale” (3), et le SPD, qui a manifesté son indignation.

Mardi dernier il a été annoncé que Maaßen quittera son poste aux renseignements intérieurs, mais il devrait être promu au rang de secrétaire d’État au sein du ministère de l’intérieur de Horst Seehofer (CSU). L’ancien président du BfV conservera un rôle de surveillance sur l’administration qu’il dirigeait. Cette solution de compromis a été atteinte alors que le parti social-démocrate (SPD), partenaire de coalition, exigeait la mise à pied de Maaßen. La logique suivie semble celle de l’adage latin “Promoveatur ut Amoveatur” (qu’il soit promu pour que l’on s’en débarrasse). Cependant elle envoie un signal contradictoire, et révèle à nouveau les limites de la grande coalition (4). La colère de la base du SPD est aussi alimentée par le départ forcé à la retraite d’un autre secrétaire d’État social-démocrate, Gunther Adler, qui laisse sa place à l’ancien chef du renseignement. “L’affaire Maaßen” porte un nouveau coup à la crédibilité du SPD, et apporte de l’eau au moulin de ceux qui, au sein du parti, refusent la coalition avec les Chrétiens-démocrates (5).

Perspectives :

  • Juillet 2019 : Publication du prochain rapport annuel sur la protection de la Constitution.

Sources :

  1. SCHMIDT, Wolf, “Entlassung von Heinz Fromm Schredder-Affäre ließ ihm keine Wahl”, Tageszeitung, 02/07/2012
  2. ANGENENDT, Bastian, et al. Nimmt Verfassungsschutzchef Maaßen Rechte in Schutz ?, Berliner Morgenpost, 07/09/2018.
  3. “Horst Seehofer : ‘Maaßen hat hohe Verdienste um die Bundesrepublik’”, Welt, 19/09/2018
  4. Koalition im Fall Maaßen, ‘In schwerem Fahrwasser’, Tagesschau, 20/09/2018.
  5. Streit in der Koalition SPD-Chefin Nahles findet Maaßen-Beförderung ‘schwer erträglich’”, Tagesspiegel, 20/09/2018