Nuuk. Lundi 10 septembre, le Premier ministre danois Lars Løkke Rasmussen s’est rendu à Nuuk, la petite capitale du Groenland, sur la côte ouest de l’île, pour signer un accord avec Kim Kielsen, chef du gouvernement autonome. Copenhague a offert à son vassal 700 millions de couronnes danoises (environ 94 millions d’euros) pour entrer avec 33 pour cent des parts dans la société d’État qui va restructurer et agrandir les aéroports de Nuuk et d’Ilulissat et en construire un nouveau à Qaqortoq (3).

L’accord devra être approuvé par les parlements respectifs et si le feu vert semble évident à Copenhague, il l’est beaucoup moins à Nuuk, où le parti Naleraq a quitté la majorité soutenant le gouvernement Kielsen, qui ne peut désormais compter que sur 12 des 31 sièges qui composent l’assemblée.

L’accord a également des répercussions géopolitiques et s’inscrit dans le conflit rampant entre la Chine et les États-Unis au sujet de leur influence sur l’île. En effet, le Groenland revêt une importance stratégique pour Washington. La base aérienne de Thulé, dans le nord de l’île, abrite un important système antimissile depuis la guerre froide. Pour la Chine, cependant, la plus grande île du monde peut devenir une plaque tournante importante pour sa « Route polaire de la soie », un plan d’infrastructure qui vise à tirer le meilleur parti des routes commerciales arctiques laissées libres par la fonte des glaces. Nuuk, d’autre part, est constamment à la recherche de capitaux étrangers pour financer la cause de l’indépendance, et la visite de Kielsen à Pékin en janvier dernier avait alerté les États-Unis et le Danemark (1).

Selon certains analystes américains, la Chine aurait pu obtenir un tel contrôle sur l’île que le gouvernement a été forcé de chasser les militaires américains de la base de Thule. C’est pourquoi, en mai dernier, le secrétaire à la Défense Jim Mattis avait invité son homologue danois à Washington pour discuter des risques d’une influence économique excessive de Pékin sur l’île (2). L’accord de lundi dernier semble être un point en faveur des Américains et des Danois, mais il ne met pas fin aux objectifs de la Chine dans la région.

Sources :

  1. Airport project on world’s largest island sparks sovereignty row, Al Jazeera, 11 septembre 2018.
  2. LEMON Jason, China wants to build Greenland airport that might threaten U.S. military base, experts say, Newsweek, 10 septembre 2018.
  3. McPHERSON Ross, Parliament’s 700 million kroner offer to fund Greenland’s airports splits island’s coalition, CPH Post, 11 septembre 2018