Vilnius. Depuis le week-end dernier, les citoyens baltes sont en fête : le pape François leur rend visite (22-23 septembre en Lituanie, le 24 septembre en Lettonie, 25 septembre en Estonie). Chef spirituel de l’Église catholique, mais aussi chef de l’État du Vatican, le pape François mène une diplomatie particulière, qui n’intéresse pas uniquement les croyants. Ses voyages en Europe sont rares. En général il préfère les pays pauvres, en marge, tourmentés par des conflits oubliés, souvent en Afrique ou en Asie.

Son choix de visiter la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie suggère que ce sont des pays liminaires, sur les marges de l’Union, mais européens, et imprégnés d’une culture chrétienne héritée de Rome. La Lituanie compte 75 pour cent de catholiques, tandis que la Lettonie et l’Estonie sont marqués par l’héritage protestant allemand. La Lettonie compte autour de 30 pour cent de luthériens, 25 pour cent de catholiques et 20 pour cent d’orthodoxes. L’Estonie est parmi les pays les plus sécularisés en Europe (70 pour cent de la population n’a aucune religion), mais elle compte néanmoins une petite communauté catholique et quelques 10 pour cent de luthériens et 16 pour cent d’orthodoxes.

Les populations orthodoxes sont présentes aux pays baltes à cause de la proximité avec la Russie et des échanges qui se sont faits durant deux siècles d’histoire commune, mais les peuples baltes n’ont jamais été absorbés par le monde orthodoxe russe, ont toujours insisté sur leur authenticité culturelle et ont revendiqué l’héritage européen.

La visite du pape « coïncide avec le centenaire de la création des trois États baltes modernes, mais aussi avec une vaste discussion politique sur le futur de l’Union européenne, de ses priorités de la politique intérieure », a déclaré Irena Vaišvilaitė, ancienne ambassadrice de la Lituanie auprès de Saint Siège et actuelle représentante de la Lituanie à l’UNESCO (3).

Le pape François avait appelé l’Europe une vieille « grand-mère », fatiguée, ni féconde, ni vivante, en regrettant « une prévalence des questions techniques et économiques au centre du débat politique, au détriment d’une authentique orientation anthropologique » (2).

La diplomatie du pape François qui souligne le dialogue et la rencontre (“diplomacy of encounter”) place la personne humaine et sa dignité dans le centre de sa démarche (1). Il encourage les hommes et femmes politiques européens à mener une vraie politique humaniste en allant à la rencontre de ceux qui souffrent, ceux qui éprouvent des besoins (notons, par exemple, sa position forte à propos de la crise des migrants). D’une manière significative, le pape va entre autres visiter le Musée des occupations en Lituanie et va rencontrer les anciens déportés et prisonniers politiques pour marquer son attention aux expériences du totalitarisme dont les pays baltes ne sont sorti que récemment.

Le dernier pape ayant visité les pays baltes était Jean-Paul II en 1993. Les populations baltes, en général assez conservatrices au niveau des valeurs sociales (la Lituanie, par exemple, était parmi les États qui ont soutenu la référence aux « racines chrétiennes de l’Europe » dans le projet de la Constitution de 2004), vivent l’arrivée de pape François comme un moment fort.

Sources :

  1. AUZA Archbishop Bernardito, Pope Francis’ Diplomacy, Permanent Observer Mission of the Holy See to the United Nations, 1 March 2017.
  2. Pape François, Discours du pape François au Parlement européen, 25 novembre 2014.
  3. VAITELE Tomas, Irena Vaišvilaitė : Bažnyčia išgyvena bene didžiausią krizę nuo Prancūzijos revoliucijos laikų [L‘Église subit une des plus larges crises depuis la Révolution Française], Delfi, 18 septembre 2018.