Boston. 7 ans après la catastrophe de Fukushima, et l’arrêt de plusieurs réacteurs nucléaires sur son territoire, le gouvernement japonais a annoncé la relance du réacteur n°4 de la centrale de Takahama et du réacteur n°2 de la centrale de Sendai (5). Consécutivement à ces annonces, les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) devraient diminuer, après plusieurs années de demande en hausse sur le marché asiatique.

Jeudi 6 septembre, le MIT a publié un rapport pluridisciplinaire sur l’avenir de la filière nucléaire civile (2). Selon les chercheurs, une transition énergétique durable et financièrement soutenable dépend de l’intégration du nucléaire dans les mix énergétiques nationaux. Le nucléaire représente 11 pour cent de l’électricité produite dans le monde, et en dépit de son bilan carbone neutre, il ne peut pas être considéré comme faisant partie des énergies “verts” et renouvelables, notamment à cause du risque sécuritaire lié à son combustible, hautement radioactif, et au stockage des déchets, lourd héritage au sujet duquel l’ingénierie pose des questions à long terme.

Selon le MIT, le principal frein au développement de l’énergie nucléaire dans le monde est financier : les coûts en capital (capital expenditures, ou Capex) sont trop élevés, et le secteur ne bénéficie pas des mesures publiques allouées aux énergies renouvelables, qui ont permis de réduire drastiquement les coûts de l’éolien et du solaire en près de dix ans, les rendant souvent même moins chères au MWh produit que d’autres sources d’énergie, comme en Europe où de plus en plus de projets solaires se détachent des mécanismes de soutien, subventions et appels d’offres (3). En 2018, parmi les pays les plus énergivores, plusieurs développent des projets de centrales nucléaires pour répondre à la hausse de la demande à venir. En Chine, pas moins de 41 réacteurs sont en cours de construction ou de développement, de même qu’en Inde avec 15 projets (4).

La demande mondiale en électricité devrait quasiment doubler d’ici 2050, en raison de la croissance économique attendue sur les continents africain et asiatique. Les énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien pourraient représenter jusqu’à la moitié de la consommation d’électricité dans le monde, soutenues tant par les investissements financiers privés et publics (environ 3 trillions de dollars depuis 2004 (6)) que par le développement des technologies de stockage en batterie, remède prochain au caractère intermittent de ces sources d’énergie.

La question de l’avenir du nucléaire se pose également en Europe, alors que 14 pays membres sur 28 comptent de manière significative sur lui dans leur mix énergétique national. Le paysage politique et technique demeure contrasté. Alors que l’Allemagne a annoncé renoncer complètement au nucléaire d’ici 2020, la France fait face à des difficultés considérables dans la gestion de son parc nucléaire. Les annonces politiques de François Hollande et d’Emmanuel Macron sur la diminution de la part du nucléaire de 75 pour cent à 50 pour cent à horizon 2025 semblent plus que jamais déraisonnables et impossible à mettre en pratique. De même, l’arrêt de la centrale de Fessenheim, la plus ancienne encore en fonctionnement, est repoussé à la date hypothétique de 2020, date de mise en service de l’EPR de Flamanville, qui concentre aujourd’hui de nombreuses incertitudes et impatiences industrielles (1).

Si le nucléaire est un sujet épineux en Europe, son importance dans la réponse à la demande énergétique mondiale est primordiale et le débat autour de ses atouts et de ses faiblesses mériterait d’être départi de son caractère passionnel.

Sources :

  1. EDF reporte le démarrage de l’EPR de Flamanville, repoussant la fermeture de Fessenheim, L’Usine Nouvelle, 25 juillet 2018.
  2. MIT, The future of nuclear energy in a carbon-constrained world, 2018.
  3. More than 2.5GW subsidy-free solar in Europe, PV Europe, 11 mai 2018.
  4. Number of planned nuclear reactors globally as of April 2018, by country, Statista, April 2018.
  5. TSUKIMORI Osamu, SHELDRICK Aaron, Japan’s nuclear reboot gathers pace, set to curtail LNG demand, Reuters, 3 septembre 2018.
  6. United Nations Environment Programme & Bloomberg Energy Finance, Global trends in Renewable energy investment Report 2018.