Beijing. En moins de dix ans, les États-Unis sont devenus le premier producteur de pétrole au monde, grâce à la maîtrise des ressources non-conventionnelles, et la Chine s’est imposée comme le premier importateur de pétrole au monde. L’enjeu de la sécurisation des importations de brut et de GNL est alors central, à l’heure où 80 pour cent de ces derniers transitent par le détroit de Malacca, entre les péninsules malaisienne et indonésienne (2). L’initiative “One belt one road” (OBOR), ou “Belt and Road Initiative” (BRI) cherche ainsi à permettre la diversification des voies et des sources d’approvisionnement de pétrole de la Chine, prévoyant la construction de nombreux projets d’infrastructure énergétique comme des centrales thermique, des oléoducs et des terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL). L’extension prévue du gazoduc Central Asia-China, qui prend son origine au Turkménistan, en est un exemple ; la signature en mai 2018 d’un pacte de coopération économique entre le Sultan d’Oman et Xi Jinping en matière énergétique en est un autre (5).

La Chine, dont l’approvisionnement en énergie est l’une des conditions de la pérennité de sa croissance, estime devoir accentuer son rôle dans le marché international, où d’autres acteurs exercent déjà une influence de longue date, à l’instar des États-Unis et des pays du Golfe dont les relations privilégiées remontent aux années 1910. En signant des contrats bilatéraux de long terme avec des producteurs de pétrole et de gaz et en investissant dans le développement de villes-étape dans les pays parties prenantes à l’OBOR, la Chine s’arroge un pouvoir de négociation et une maîtrise des coûts énergétiques précieux.

Cette stratégie évolue simultanément à l’effort environnemental consenti depuis la COP21, et l’accélération de la transition écologique sur le territoire chinois. En effet, alors que le pays est aujourd’hui devenu le premier producteur d’énergie d’origine solaire au monde, et le premier investisseur dans les énergies renouvelables, un rapport du Centre for Global Development prouve que les deux tiers des investissements chinois dans OBOR financeraient des centrales à charbon, en Asie du sud-est et en Afrique notamment (4). Les règles de conformité auxquelles les principales banques et fonds d’investissement sont soumis sont fréquemment incompatibles avec les projets que la Chine accepte de financer.

Car au-delà de l’enjeu très actuel des énergies fossiles, vis à vis desquelles Beijing espère réduire sa dépendance en investissant dans les énergies renouvelables, la Chine construit un réseau tentaculaire d’infrastructure et de développement, évalué à 1000 milliards de dollars, et noue des relations de dépendance financière à très long terme, rabattant les cartes des relations économiques à échelle mondiale. Depuis 2001, la Chine aurait investi près de 128 milliards de dollars mais serait déjà confrontée à des difficultés avec les États les plus financièrement fragiles, comme le Pakistan, le Tadjikistan ou Djibouti, auprès desquels les financiers privés sont réticents à investir (1).

En somme, la Chine répond à une demande de financement qui apparaît aujourd’hui incompatible avec les codes de conduite financiers auxquels sont soumis les organismes financiers publics et privés occidentaux, qui exerçaient jusqu’au début du XXIe un contrôle quasi-hégémonique. Ce constat est à mettre en contraste avec l’impulsion politique donnée à la “finance verte”, nouveau moteur de croissance encadré par de récentes publications de la Commission Européenne (3), tandis que les relations économiques entre l’Union et la Chine s’intensifient autour d’intérêts mutuels, comme les énergies renouvelables et le système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre.

Sources :

  1. China Belt-Road Plan may create debt problems from Djibouti to Laos, Bloomberg, 05 mars 2018.
  2. COUTURIER Brice, Géopolitique de l’énergie : la Chine essaie d’échapper au tout-charbon, Le tour du monde des Idées, France Culture, 19 janvier 2018.
  3. European Commission, Commission action plan on financing sustainable growth, 08 mars 2018.
  4. MANGI Faseh, MURTAUGH Dan, China seen slowing spending on Belt and Road Energy Projects, Bloomberg, 12 mars 2018.
  5. Oman, China enter strategic partnership, The Oil and Gas Year, 28 mai 2018.