Belgrade, Pristina. Après s’être vus le 25 juin dernier, les présidents Aleksandar Vucic et Hashim Thaci se sont retrouvés mercredi 18 juillet, à Bruxelles, pour une nouvelle réunion destinée à régler les différends entre les deux pays. Cette rencontre est la dernière en date depuis que le dialogue a repris en mars dernier. Au début de l’année, en effet, le meurtre d’Oliver Ivanovic, figure politique de la minorité serbe du nord du Kosovo, avait brusquement mis fin au dialogue entre les deux capitales. Sous la direction de Federica Mogherini, Haute Représentante pour les Affaires étrangères, l’Union voudrait pousser Belgrade et Pristina à signer un accord juridiquement contraignant quant à une normalisation de leurs liens, et surtout quant à une reconnaissance de l’indépendance du Kosovo par la Serbie.

Alors que le président du Kosovo, Hashim Thaci, avait appelé à un “règlement historique” avec Belgrade le mois dernier, les discussions de la semaine dernière se sont révélées particulièrement difficiles. Le dialogue semble dans une impasse, la Serbie étant accusée de “continuer avec sa mentalité du passé” et le Kosovo de ne faire aucune concession (3). Pourtant, de ces discussions dépendent les liens des deux pays avec l’Europe et en particulier avec l’Union.

Pour le Kosovo, c’est tout le pari de son développement et de sa crédibilité au niveau international qui se joue, alors que la corruption gangrène le territoire et qu’une quarantaine d’États, dont cinq membres de l’Union (Espagne, Autriche, Slovaquie, Grèce et Roumanie) n’ont toujours pas reconnu son indépendance. Pour cette raison, les citoyens kosovars ne peuvent se déplacer dans les pays de l’Ue sans un visa en bonne et due forme. La Commission européenne vient de recommander aux États membres d’accorder une exemption alors que, selon elle, le pays a satisfait “aux deux dernières exigences pour la libéralisation du régime des visas, c’est-à-dire avoir ratifié l’accord sur la délimitation de la frontière avec le Monténégro et avoir obtenu de meilleurs résultats en matière de lutte contre la criminalité et la corruption” (2).

Pour la Serbie, qui contrôle de facto la région du Nord Kosovo, aucune adhésion à l’Union ne peut être envisagée sans un règlement de ce conflit. Une position européenne encore rappelée par Emmanuel Macron lors de sa rencontre avec Aleksandar Vučić la semaine dernière. Pourtant, le discours du président serbe est optimiste, alors que le pays vise une intégration à l’horizon 2025 : “Nous devons comprendre une chose. Nous ne pourrons pas adhérer avant de régler la question avec Pristina, avant de réformer notre système judiciaire, de régler les questions de l’État de droit et tout le reste (…) Est-ce que nous allons y arriver ? Je vais me battre pour cela” (1).

Au-delà des cas particuliers du Kosovo ou de la Serbie, c’est tout le modèle d’intégration au sein de l’Union qui se retrouve au centre de ces négociations. Certains États comme la France ou l’Autriche considèrent que les adhésions rapides accordées ces quinze dernières années sont l’une des causes des difficultés actuelles de l’Union et qu’il faudra redéfinir en profondeur sa politique d’expansion. Que ce soit pour l’Albanie, la Macédoine ou la Serbie, les pays balkaniques n’ont pas fini d’être au cœur du débat européen.

Perspectives :

  • La proposition de la Commission du 4 mai 2016 visant à lever l’obligation de visa pour les ressortissants du Kosovo doit maintenant être adoptée par le Parlement européen et le Conseil.
  • Les présidents serbe et kosovar ont convenu de se retrouver pour une nouvelle séance de discussions à Bruxelles.

Sources :

  1. Pas d’adhésion « automatique » de la Serbie à l’UE en 2025, avertit Macron, AFP, 17 juillet 2018.
  2. Commission européenne, Libéralisation du régime des visas : la Commission confirme que le Kosovo remplit tous les critères requis, communiqué de presse du 18 juillet 2018.
  3. RUDIC Filip, Serbia-Kosovo Meeting Ends Without Progress, Balkan Insight, 18 juillet 2018.