Ankara.  C’est un décret du nouveau gouvernement turc de Recep Tayyip Erdoğan qui l’a établi : le président, victorieux aux dernières élections, contrôlera désormais l’état-major de l’armée. Erdoğan a également nommé récemment le nouveau chef des forces armées turques, Hulusi Akar, ancien chef d’état-major d’Ankara, qui a été capturé par des soldats lors du coup d’État dans la nuit du 15 juillet 2016. Le décret a également modifié le Conseil militaire suprême (Yas) et le Conseil de sécurité nationale (Mgk), qui sont chargés d’identifier les mesures à prendre dans la lutte contre le terrorisme. Erdoğan conserve pour lui-même le pouvoir de convoquer ces deux instances (2).

Le décret intervient après le retour du président du sommet de l’Otan à Bruxelles, où Erdoğan s’est rendu avec son nouveau ministre de la Défense et ministre des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu.

L’armée turque, qui a subi d’importantes transformations durant la guerre froide, est devenue au fil du temps de plus en plus politisée. Elle a renversé des gouvernements élus par trois fois, en 1960, 1971 et 1980. Lors du coup d’État de 1960, l’armée s’est séparée du ministère de la Défense et a assumé une sorte d’autonomie par rapport au gouvernement. Et le coup d’État de 1980 a encore affaibli le contrôle civil et renforcé l’ingérence militaire (3).

La situation a changé avec l’arrivée au pouvoir de l’Ak Parti en 2002 dans le contexte islamique et conservateur et avec les cas d’Ergenekon, de Balyoz et de l’espionnage militaire anti-establishment, par lesquels a vraisemblablement été réalisée la purge des kémalistes, des laïcs et des conspirateurs des secteurs militaire, judiciaire et académique ont été purgés (1).

Perspectives  :

  • Le président Erdoğan – qui a réformé l’armée après Orhan I, Mahmud II e Atatürk – réussira-t-il à empêcher les militaires d’être politisés ? Sa décision de placer l’armée sous contrôle civil est certainement une étape importante. Cette démarche coïncide en fait avec le feu vert donné par  Erdoğan aux demandes de service militaire privé de la Turquie. L’objectif est peut-être d’avoir une armée plus professionnelle, mais il est probablement trop tôt pour le dire.
  • Erdoğan a pris cette initiative pour répondre aux critères de l’Ue. Cela pourrait être lié à des mesures visant à réhabiliter des relations politiques quasi gelées, d’autant plus que cette décision a été prise parallèlement aux annonces de levée de l’état d’urgence.

Sources  :

  1. CIA, The World Factbook – Turkey, 12 juillet 2018.
  2. Trends in world military expenditure 2017 , Sipri, mai 2018.
  3. YETKIN Murat, Erdoğan reforms Turkish military radically, Hurriyet, 16 juillet 2018.