Italie. Le ministre de l’Environnement, Sergio Costa, a déclaré vendredi 1er juin que la participation de l’Italie au Trans Adriatic Pipeline (TAP), serait réexaminée. “Compte tenu de notre politique énergétique, compte tenu de la baisse de la demande de gaz, ce projet semble aujourd’hui inutile”, a-t-il ajouté par écrit à Reuters (1).

Le projet était déjà fortement contesté en Italie pour des raisons environnementales mais ces déclarations vont plus loin. Elles ne questionnent plus seulement le tracé du gazoduc mais son bien-fondé même. Cela, alors même que la Snam, entreprise italienne, détient 20 % du projet. Ces déclarations vont totalement à contre-courant de la politique des gouvernements précédents. Le 12 décembre dernier, une explosion au sein du hub de Baumgarten (Autriche) avait contraint l’Italie à faire usage de ses stocks et à déclarer l’état d’urgence. Carlo Calenda, du Ministère du Développement économique, avait alors estimé que cet état d’urgence n’aurait pas été nécessaire avec le TAP (2).

La position du nouveau Ministre de l’Environnement tourne le dos à l’objectif, jusqu’ici affiché par l’Italie, de devenir un hub gazier européen. Pour diversifier ses voies d’approvisionnement, l’Italie avait été à l’initiative, avec Gazprom, du projet South Stream via son entreprise Eni. Le 5 décembre 2017, l’Italie, la Grèce, Chypre et Israël ont signé un protocole d’accord concernant le EastMed en supplément du TAP (3). Ce projet de gazoduc sous-marin, qui doit relier les champs gaziers israéliens et chypriotes à l’Italie, était déjà hypothétique et le devient encore plus.

Sergio Costa a déclaré que la révision du projet TAP était conforme à la politique énergétique prévue par l’accord entre le MS5 et la Ligue. Même si le TAP n’est pas cité explicitement dans cet accord, celui-ci indique que la coalition accélèrera la transition de l’Italie vers les énergies renouvelables. Le consortium en charge du TAP estime qu’une réorientation du gazoduc hors de l’Italie n’est pas envisageable et que la perspective d’un nouveau tracé en Italie retarderait le projet de quatre à cinq ans. De sérieux doutes s’exprimaient déjà sur la capacité de l’Azerbaïdjan à alimenter seul le Corridor sud, ce dernier est désormais mis en péril à l’autre extrémité par la possible sortie du TAP de l’Italie, principal marché visé. En effet, ce qui faisait la viabilité du TAP était la solidité du marché italien par opposition à la très basse consommation albanaise en gaz.

Perspectives :

  • Les partis de la coalition ont déclaré qu’ils formeraient un comité spécial chargé de résoudre les divergences sur la « réalisation et l’achèvement des travaux publics d’importance nationale ». Le Mouvement 5 Étoiles a une position écologique plus radicale que la Ligue qui, elle, est plus à même de soutenir ce genre de projets industriels.
  • La partie italienne du projet devait être construite pour début 2020 et a déjà reçu les autorisations gouvernementales, y compris environnementales en 2014. La construction sera sûrement retardée voire annulée à cause des tergiversations gouvernementales ou des oppositions locales.

Sources :

  1. DI GIORGIO Massimiliano, Exclusive : Italy’s new government to review TAP gas pipeline, Reuters, 06/06/2018.
  2. L’Italie a-t-elle besoin de plus de pipelines  ?, Courrier International, 13/12/2017.
  3. M’BIDA Aurélie, À quoi le nouveau gazoduc sous-marin entre Israël et l’Italie va-t-il servir ?, L’Usine Nouvelle, 08/12/2017.