Mountain View. La collaboration entre le monde de la haute technologie américaine et le Département de la Défense a subi un revers important. La multinationale Google a annoncé qu’elle ne renouvellera pas son engagement, qui expire en mars 2019, dans le cadre du projet « Maven » qui vise à développer une intelligence artificielle capable d’analyser les vidéos collectées par des véhicules aériens sans pilote (UAV), communément appelés drones, et d’identifier des cibles potentielles par reconnaissance automatique.

Début avril, environ quatre mille employés de la société de Mountain View ont envoyé une lettre au PDG, Sundar Pichai, critiquant la collaboration avec le gouvernement comme visant au commerce de la guerre et au meurtre d’êtres humains (4). Google avait initialement soutenu le caractère inoffensif du programme, mais des pressions internes ont conduit la direction à s’éloigner du Pentagone.

Le développement de technologies liées aux drones intéresse directement l’Europe, tant au niveau des alliances militaires qu’au niveau de la société civile. Au sein de l’Otan, l’Italie, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni accueillent des infrastructures logistiques et communicatives visant à gérer des opérations avec les drones, remettant ainsi les différents gouvernements nationaux au centre du secteur (2). Récemment, le ministère américain de la défense a approuvé une nouvelle vente d’avions sans pilote à l’Allemagne et au Royaume-Uni (1). D’autre part, les opérations militaires dans lesquelles les drones doivent être utilisées ont longtemps été sous l’œil vigilant de nombreuses organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme, telles qu’Amnesty International et Open Society Foundations, qui exercent une influence profonde sur l’opinion publique européenne et critiquent ouvertement les dommages collatéraux que leur utilisation peut causer (3).

Perspectives :

  • Les drones font partie intégrante de la grande stratégie globale des États-Unis et, par extension, de l’Otan. Ils continueront donc à jouer un rôle important dans les opérations militaires de l’Alliance, en particulier lorsque l’utilisation de l’élément humain n’est pas considérée comme une exigence fondamentale.
  • Le monde de la haute technologie et le gouvernement américains continueront à adopter une approche différente des questions de sécurité. Apple et le FBI, par exemple, étaient déjà entrés en conflit sur le droit à la vie privée, mais les différences entre Google et le Pentagone amènent la confrontation à un nouveau niveau et génèrent de doutes inédits sur la collaboration à long terme entre les secteurs public et privé dans le domaine stratégico-militaire.

Sources :

  1. KELLY Fergus, US approves $7.2 billion military aircraft sales to NATO allies Germany, Slovakia, Spain and the UK, The Defense Post, 5 avril 2018.
  2. Development, Concepts and Doctrine Centre, Ministry of Defence of the United Kingdom, Joint Doctrine Publication 0-30.2. Unmanned Aircraft Systems, août 2017.
  3. Open Society Foundations, Justice Initiative, Death by Drone. Civilian Harm Caused by U.S. Targeted Killings in Yemen, avril 2015 ; Amnesty International, European assistance to deadly US drone strikes, 19 avril 2018.
  4. SHANE Scott, WAKABAYASHI Daisuke, “The Business of War” : Google Employees Protest Work for the Pentagon, The New York Times, 4 avril 2018.