Rafat. Jeudi 17 mai, le président égyptien Abdel Fattah al Sisi a annoncé que la frontière avec Gaza resterait ouverte pendant toute la durée du Ramadan. Sur Twitter (3), Sisi a expliqué que la décision avait été prise pour “alléger la souffrance des frères de Gaza”. C’est l’ouverture la plus longue depuis 2013. Sous la présidence d’Al Sisi, le passage de Rafah n’avait jusqu’ici été ouvert que dans des circonstances extraordinaires, et chaque fois pour de courtes durées (1).

Toutefois, il ne s’agit pas, même cette fois-ci, d’un laissez-passer général : la raison reste humanitaire, la priorité est donc d’aider ceux qui ont été blessés et de laisser passer les médicaments d’une manière plus simple. La décision d’Al Sisi, qui a pris le pouvoir après un dur combat avec les Frères Musulmans, peut sembler étrange : le Hamas, sur la côte de la Confrérie, contrôle Gaza, pourquoi donc les aider ? “Sisi – explique Laura Cappon, journaliste experte de l’Egypte – essaie de s’imposer comme un leader arabe dans le contexte régional. Voilà pourquoi il avait demandé au Hamas de ne pas organiser de manifestations à la frontière le jour où l’ambassade américaine a déménagé à Jérusalem”.

Selon Giuseppe Dentice, chercheur à l’Université catholique de Milan, Sisi est également motivé par des raisons politiques internes : “Le président égyptien a l’intention de parler à son opinion publique qui, comme dans tous les pays arabes, est très sensible à la cause palestinienne. Cette attitude est intéressante : le conflit israélo-palestinien n’est une priorité pour aucun gouvernement arabe, alors qu’il en reste une pour l’opinion publique. De plus, Gaza est considérée comme une sorte de protectorat par Le Caire, qui dans cette situation veut rappeler que l’Egypte n’est pas n’importe quel pays, mais qu’elle se soucie des problèmes du monde arabe”.

La décision, poursuit Laura Cappon, est certainement prise en accord avec Israël, un pays avec lequel l’Egypte collabore depuis longtemps pour tenter de stabiliser le Sinaï (4), une région en partie sous le contrôle des terroristes : “Le soutien de l’armée israélienne dans le Sinaï est trop important, car l’Egypte a montré qu’il ne peut pas contrôler la région par elle-même”. Pour Giuseppe Dentice, l’attitude égyptienne envers l’Etat juif reflète celle de tous les pays arabes : “Les pays de la région auront toujours une situation de confrontation avec Israël concernant la situation palestinienne, mais des points de convergence peuvent être trouvés, notamment sur les questions de sécurité, comme l’Égypte le fait depuis des années et maintenant même l’Arabie saoudite”.

Perspectives  :

  • 14 juin, fin du Ramadan
  • Il faut surveiller le rôle du Hamas : le mouvement islamiste a joué un rôle médiateur avec l’Egypte et, malgré les rivalités internes à politique égyptienne avec les Frères musulmans, le groupe pourrait continuer à discuter de plus en plus avec le régime d’Al Sisi.

Sources :

  1. Reuters, Egypt’s Sisi orders Gaza border opened for Ramadan : compte twitter.
  2. Reuters Sweilam A., Akram F. Egypt opens Gaza border crossing for Ramada.,
  3. KIRKPATRICK David D., Secret Alliance : Israel Carries Out Airstrikes in Egypt, With Cairo’s O.K., The New York Times, 3 février 2018.
  4. TROTIGNON Yves, Les difficultés de l’Egypte face aux terroristes dans le Sinai, La Lettre du Lundi, 23 avril 2018.