Islamabad. La tentative d’assassinat par arme à feu dirigée contre le ministre de l’Intérieur, Ahsan Iqbal, rappelle que le Pakistan est loin d’en avoir fini avec la violence sectaire au moment où le pays entre en campagne électorale sur fond de tensions entre le pouvoir civil, les militaires et l’institution judiciaire (2).

Le suspect appréhendé est un militant du Tehrik-i-Labbaik Pakistan (TLP), un mouvement radical d’obédience barelvi (une des deux principales écoles de pensées sunnites au Pakistan, supposée modérée) (3). Une des icônes de cette organisation est Mumtaz Qadri, un policier meurtrier en 2011 de Salman Taseer, le gouverneur du Pendjab qui avait pris la défense d’Asia Bibi, une chrétienne accusée de blasphème. Mumtaz Qadri a été exécuté en février 2016 et sa tombe, située à l’extérieur d’Islamabad, est devenue un sanctuaire où viennent se recueillir ses “compagnons de route”.

En novembre 2017, les militants du TLP ont bloqué pendant trois semaines un des principaux axes routiers d’accès à Islamabad pour protester contre un changement sémantique concernant la finalité du prophète dans la profession de foi des candidats à une élection (1). Le gouvernement de la Pakistan Muslim League avait alors cédé en concédant notamment le départ du ministre de la Justice. Les fauteurs de trouble ne furent pas inquiétés et le TLP, un parti dûment enregistré auprès de la commission électorale, a conduit de nouvelles démonstrations de force au Pendjab en avril 2018.

Son président, Khudam Hussain Rizvi continue de défier les autorités, ce qui pose une nouvelle fois la question de l’impunité accordée à des organisations extrémistes recourant à la violence. L’incertitude pèse aussi sur la régularité des élections législatives à venir. Lors des dernières, en 2013, le Pakistan Peoples Party de la famille Bhutto, avait vu sa campagne électorale entravée par les menaces proférées à son encontre par les talibans pakistanais qui reprochaient à ce parti d’être trop proche des Américains.

Perspectives  :

  • Fin mai / début juin : nomination du gouvernement intérimaire en charge de la supervision des élections législatives
  • Fin juillet/début août : 11e élections législatives

Sources :

  1. BOQUERAT, Gilles, 100 questions sur le Pakistan, Tallandier, 2018.
  2. Editorial, Attack on minister, DAWN, 8 mai 2018.
  3. PHILIPPON, Alix, Soufisme et politique au Pakistan : le mouvement Barelvi à l’heure de la guerre contre le terrorisme, Karthala, 2011.