Addis-Abeba. Les Oromo sont une trentaine de millions répartis entre l’Éthiopie, le Kenya, la Somalie et l’Egypte (1). En Éthiopie cette dimension diasporique a marginalisé les Oromo (34,4 % de la population), le plus souvent pasteurs à la frontière somalienne (4).

Leur langue, qui est assez largement pratiquée, est d’origine couchitique et profondément différente de l’amharique, la langue officielle de l’Éthiopie jusqu’à la promulgation de la Constitution éthiopienne de 1994 qui, en s’inspirant de la Constitution de l’URSS de 1977, prévoit un droit à l’autodétermination et à la sécession des régions (3).

Mal traités par le pouvoir des Tigréens (6,1 % de la population) ces deux dernières années après une longue tradition d’opposition sans volonté de sécession, les Oromo ont accédé au pouvoir d’abord avec Hailemariam (2012-2018) et une cohorte de membres du gouvernement, par la suite avec le premier ministre Abiy Ahmed (አብይ አህመድ አሊ), fils d’un père musulman et d’une mère chrétienne (5). Une source diplomatique de la Lettre conseille de ne pas prêter l’oreille aux spéculations sur les parentèles musulmanes du Premier ministre qui est, d’abord, un Oromo. Or, les membres de l’élite éthiopienne comptent très fréquemment une alliance avec des familles arabes et/ou musulmanes.

La relève oromo n’a pu s’accomplir qu’à travers une alliance avec les Amhara (27 % de la population), fatigués eux-aussi de la longue gestion des affaires par les Tigréens qui, soucieux de leur propre autonomie, ont laissé les autres régions renforcer leur identité. D’autre part, selon notre source, ce glissement n’a pas pu se faire sans le consentement des États-Unis. Le département d’État américain souhaiterait économiser les ressources allouées aux contingents éthiopiens de maintien de la paix et verrait de bon oeil la prise en compte par les Chinois des activités de peace keeping dans la région (7).

En effet, l’Éthiopie dispose du plus gros contingent de maintien de la paix au monde et l’armée est de plus en plus centralisée depuis la mise en place de l’état d’urgence, il y a plus de six mois.

Le président de l’Ethiopie Mulatu Teshome (ሙላቱ ተሾመ), au pouvoir depuis 2013, a promu généraux une quarantaine de colonels ; cette vague de promotions est une première dans un pays où les grades supérieurs n’avaient pas évolué depuis 10 ans — mais on est loin de l’inflation malgache de généraux de corps d’armées ou de division (6).

Perspectives :

  • La nomination en février de trois chefs d’État-major adjoints des Ethiopian National Defence Forces (ENDF) augure un remaniement en profondeur d’ici la fin de l’année. Le chef d’État-major (Tigré) a été condamné.
  • C’est déjà entre les généraux Seare Mekonen Yimer, Adem Mohamed Ahmed et Berhanu Jula Gelelcha qu’il faudra choisir le successeur au gardien de l’armée éthiopienne Samora Yenus.

Sources :

  1. BECHHAUS-GERST, Oromo, Oxford bibliography, 6 mai 2016.
  2. Ethiopia, Cia Factbook, 1er mai 2018.
  3. DUVERNOIS Louis et al. Le fédéralisme ethnolinguistique en Éthiopie, Rapport de groupe interparlementaire d’amitié n° 132, Sénat 1er avril 2016.
  4. HOEHNE Markus Virgil, FEYISSA Dereje, ABDILE Mahdi, SCHMITZ-PRANGHE Clara, Differentiating the Diaspora : reflections on diasporic engagement ‘for peace’ in the Horn of Africa, Max Planck Institute for social anthropology, Working paper n. 124.
  5. LE GOURIELLEC Sonia, Après la croissance la crise politique, l’étrange cas de l’Ethiopie, La lettre du lundi, 23 avril 2018.
  6. VALLÉE Olivier, La société militaire à Madagascar, une question d’honneur(s), Paris, Karthala, 2017.
  7. VALLÉE Olivier, La guerre des étoiles a-t-elle commencée dans le corne de l’Afrique ?, La lettre du lundi, 6 mai 2018.