Mogadiscio. Depuis 2011, le sud de la Somalie est pris dans un conflit latent d’influences politiques et économiques dont les ressort régionaux dépassent largement le continent africain.
La crise diplomatique entre les pays du Golfe, déclenchée en juin 2017, s’étend dans le pays et illustre cette pression (1). La Somalie refuse de couper ses liens avec le Qatar qui a participé au financement de la campagne de l’actuel Président, Mohamed Abdullahi “Farmaajo” Mohamed (محمد عبد الله محمد) qui révendique sa neutralité. Les Emirats arabes unis (EAU) ont riposté sur plusieurs niveaux. Ils ont suspendu l’activité de l’hôpital Shaikh Zayed qu’ils finançaient à Mogadiscio, ont mis fin à leur programme de coopération militaire et évacué leur camp d’entraînement, dont l’armée somalienne a pris le contrôle.
La compétition pour le contrôle du territoire somalien s’étend à tous les acteurs régionaux et menace la souveraineté territoriale de la Somalie ainsi que les capacités d’un gouvernement fédéral particulièrement affaibli (2).
Le Kenya a fait du Jubaland un espace tampon en renforçant le pouvoir de l’administration de la région au Sud-ouest de la Somalie. L’Éthiopie et les Émirats arabes unis soutiennent les velléités de reconnaissance internationale du Somaliland au Nord du pays.
La Turquie (3) et le Qatar soutiennent le gouvernement fédéral et investissent à Mogadiscio, la capitale. Les Emirats arabes unis coopèrent avec la région autonome du Puntland en dépit des protestations du gouvernement fédéral.
Ces intérêts contradictoires compliquent la stabilisation du pays et entravent le déroulement de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), déployée depuis 2007. Les 22 000 soldats de l’AMISOM (Ouganda, Kenya, Burundi, Ethiopie, Djibouti et Sierra Léone) combattent le groupe terroriste Al Shabaab, une organisation djihadiste multiethnique et transnationale et forment l’armée nationale somalienne. L’Union africaine avait prévu un retrait des troupes d’ici 2020 ce que contestent certains États contributeurs à la Mission comme l’Ouganda, le Burundi, l’Éthiopie, le Kenya et Djibouti.
Il est important de noter que presque tous ces pays sont régulièrement épinglés pour leurs défauts de gouvernance. La participation aux opérations de paix devient alors un moyen pour diminuer la pression des États occidentaux et des institutions internationales qui les poussent à se démocratiser. L’Union européenne a largement financé l’AMISOM avec plus de 1,5 milliard d’euros au cours des dix dernières années, grâce à la Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique (APF), une aide financée au titre du Fonds européen du développement. La Chine a investi en 2017 presque 100 millions de dollars (4).
Perspectives :
- Décembre 2020, à moins d’une révision, toutes les troupes de la Mission de l’Union africaine en Somalie devront avoir quitté le pays.
Sources :
- FICK Maggie, Harboring ambitions : Gulf states scramble for Somalia, Reuters, 1 mai 2018.
- LE GOURIELLEC Sonia, L’ONU en Somalie : le refus de l’engagement ?, Réseau des Opérations de Paix, 23 janvier 2012.
- OSMAN Jamal. How Turkey is winning hearts and minds in Somalia, New Internationalist, 1er avril 2018.
- WILLIAMS Paul D., Joining AMISOM : why six African states contributed troops to the African Union Mission in Somalia, Journal of Eastern African Studies, Volume 12, Issue 1, 2018.