Berlin. Une transformation de taille de la relation bilatérale entre l’Allemagne et la Russie pourrait avoir eu lieu mardi 10 avril. En visite dans la capitale allemande afin de rencontrer la chancelière Angela Merkel, le président ukrainien Petro Poroshenko a enfin obtenu gain de cause dans le bras de fer qui oppose son pays à la Russie à propos du transit gazier.

Si les autorités allemandes s’étaient prononcées jusqu’à présent en faveur du projet de gazoduc North Stream 2 qui devait approvisionner l’Europe en contournant l’Ukraine, la chancelière semble pourtant vouloir faire machine arrière : “On ne peut pas traiter le sujet comme simplement économique, il existe des considérations politiques à faire aussi”, un positionnement très différent de celui qu’avait exprimé son ancien ministre de l’Énergie, Sygmar Gabriel, en 2014 : “Il n’y a pas d’alternative au gaz russe” .

La chancelière a ensuite estimé que le North Stream 2 ne pourrait se faire sans clarifier le rôle futur de l’Ukraine en tant que pays de transit. Elle affirme : “Il n’est pas possible que l’Ukraine n’ait aucune importance dans le transit du gaz à cause de North Stream 2”. La valeur de ces déclarations peut cependant légitimement être questionnée puisque le consortium North Stream 2 AG a annoncé le 27 mars avoir reçu toutes les autorisations allemandes pour la construction et l’exploitation du gazoduc. De manière générale, le ciel semble se dégager pour le projet depuis que, début mars, les services juridiques du Conseil européen se sont opposés à l’extension des règles européennes (troisième paquet énergie) aux gazoducs offshores estimant que l’UE pourrait ainsi enfreindre la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Dans la soirée du 10 avril, Gazprom a déclaré dans un communiqué qu’un maintien du transit ukrainien était possible dans des volumes largement inférieurs à ceux pratiqués auparavant : “Un certain transit peut être conservé, d’un volume de 10-15 milliards de mètres cubes par an, mais la partie ukrainienne doit justifier l’intérêt économique d’un nouveau contrat de transit”. Proposition immédiatement rejetée par le ministre ukrainien de l’Energie Igor Nassalyk qui souhaite 40 milliards de mètres cubes par an.

Il nous semble que, mettant en exergue le caractère hautement politique de ce projet énergétique, la chancelière allemande a souhaité se tenir aux côtés de son partenaire ukrainien en lui assurant qu’une partie du gaz russe continuerait de transiter par son territoire. Point de rupture définitif d’une relation germano-russe fragilisée depuis l’affaire Skripal ? La décision divise en interne et en externe : à l’échelle de l’Europe les membres de Visegrad, formellement opposés au projet Russe, se trouvent dorénavant opposés aux pays nordiques comme la Finlande et le Danemark, séduits par les retombées économiques d’un transit par leurs eaux territoriales et par une nouvelle source d’approvisionnement compensant la baisse de production gazière en Norvège. Le North Stream 2 a des soutiens de poids en Allemagne aussi : « C’était le gazoduc de la Russie qui couvrait le besoin accru des journées glaciales en Europe ! », a communiqué la société allemande Wintershall à la presse danoise en rappelant la vague de froid au Danemark en février.

Perspectives :

  • Après le permis de construire octroyé le 12 avril à Nord Stream 2 AG par la Finlande, les permis provenant du Danemark et de Suède sont encore attendus. Les futures négociations russo-ukrainiennes à propos des volumes et tarifs de transit sont également à suivre.

Sources :